Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/113

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et, soutenu des principaux de la nation, qu’il avait corrompus, il s’empare de la résidence royale et du château qui la défendait. Il y trouva du butin depuis longtemps amassé par les Suèves, ainsi que des vivandiers et des marchands de nos provinces, que la liberté du commerce, puis l’amour du gain, enfin l’oubli de la patrie, avaient arrachés à leurs foyers et fixés dans ces terres ennemies.

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Maroboduus, abandonné de toutes parts, n’eut de ressource que dans la pitié de Tibère. Il passa le Danube, à l’endroit où ce fleuve borde la Norique, et il écrivit au prince, non comme un fugitif, ou un suppliant, mais en homme qui se souvenait de sa première fortune. "Beaucoup de nations, disait-il, appelaient à elles un roi naguère si fameux ; mais il avait préféré l’amitié des Romains." César lui répondit "qu’un asile sûr et honorable lui était ouvert en Italie, tant qu’il y voudrait demeurer ; que, si son intérêt l’appelait ailleurs, il en sortirait aussi librement qu’il y serait venu." Au reste, il dit dans le sénat, "que ni Philippe n’avait été aussi redoutable pour les Athéniens, ni Pyrrhus et Antiochus pour le peuple romain." Son discours existe encore : il y relève la grandeur de Maroboduus, la force irrésistible des nations qui lui étaient soumises, le danger d’avoir si près de l’Italie un pareil ennemi, et les mesures qu’il avait prises pour amener sa chute. On plaça Maroboduus à Ravenne, d’où il servit à contenir l’insolence des Suèves, que l’on tenait perpétuellement sous la menace de son retour. Toutefois, il ne quitta pas l’Italie pendant les dix-huit ans qu’il vécut encore, et il vieillit dans cet exil, puni, par la perte de sa renommée, d’avoir trop aimé la vie. Catualda tomba comme lui, et, comme lui, eut recours à Tibère : chassé, peu de temps après son rival, par une armée d’Hermondures, sous les ordres de Vibillius, il fut accueilli dans l’empire et envoyé à Fréjus, colonie de la Gaule narbonnaise. De peur que les barbares venus à la suite des deux rois ne troublassent, par leur mélange avec les populations, la paix de nos provinces, ils furent établis au-delà du Danube, entre le Maros et le Cuse52, et reçurent pour roi Vannius, de la nation des Quades.

52. La Morava ou March, en Moravie, et le Waag, en Hongrie.

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Comme on apprit dans le même temps qu’Artaxias venait d’être mis par Germanicus sur le trône d’Arménie, un sénatus-consulte décerna l’ovation à Germanicus et à Drusus ; et, des deux côtés