Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/146

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faisaient redouter. Le sénateur C. Cestius représenta "qu’à la vérité les princes étaient comme des dieux, mais que les dieux n’écoutaient les prières que quand elles étaient justes, que personne ne se réfugiait dans le Capitole ou dans les autres temples pour faire de son asile le théâtre de ses crimes, que les lois étaient renversées, anéanties, depuis qu’Annia Rufilla, condamnée pour fraude à sa requête, venait en plein Forum, à la porte du sénat, l’insulter et le menacer, sans qu’il osât invoquer la justice : cette femme se couvrait d’une image de l’empereur22. Une foule de voix dénoncèrent des traits pareils ou de plus révoltants, et prièrent Drusus de faire un exemple. Rufilla fut mandée, convaincue et mise en prison.

22. Les triumvirs élevèrent à Jules César un temple avec droit d’asile. Cet exemple eut des suites, et bientôt l’impunité fut assurée à tout malfaiteur qui se réfugiait auprès d’une statue de l’empereur régnant. Il paraît même qu’il suffisait, pour se rendre inviolable, de tenir une image du prince dans ses mains.

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En même temps Considius Aequus et Célius Cursor, chevaliers romains, qui avaient forgé contre le préteur Magius Cécilianus une accusation de lèse-majesté, furent punis, sur la demande du prince, par un décret du sénat. Ces deux actes tournèrent à la louange de Drusus. Vivant au milieu de Rome, se mêlant aux réunions, aux entretiens de la ville, il passait pour adoucir l’humeur concentrée de son père ; on pardonnait même volontiers à sa jeunesse le goût du plaisir : "Puisse-t-il, disait-on, se livrer à ce penchant, consumer les jours en spectacles, les nuits en festins, plutôt que d’entretenir, seul et loin de toutes les distractions, une vigilance chagrine et des soucis malfaisants ! "

Problèmes en Macédoine et en Thrace

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En effet, ni Tibère ni les accusateurs ne se lassaient. Ancharius Priscus avait dénoncé Césius Cordas, proconsul de Crète, comme coupable de concussion, crime auquel il ajoutait celui de lèse-majesté, alors complément nécessaire de toutes les accusations. Tibère, informé qu’Antistius Vétus, un des principaux de la Macédoine, venait d’être absous dans un procès d’adultère, réprimanda les juges, et, sous le même prétexte de lèse-majesté, le ramena devant la justice, comme un factieux, mêlé aux complots de Rhescuporis à l’époque où ce prince, après avoir tué Cotys son neveu, songeait à nous faire la guerre. L’eau et le feu furent interdits à Antistius, et l’on décida qu’il serait confiné dans une île qui ne fût à portée