Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/151

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et le courage de ses lieutenants, et les mesures prescrites par lui-même, avaient triomphé de tout." Il expliquait ensuite pourquoi ni lui ni Drusus n’étaient allés dans les Gaules, exaltant "la grandeur de l’empire, dont les chefs oublieraient leur dignité si, pour un ou deux cantons soulevés, ils quittaient la ville d’où partent les ordres qui régissent le monde. Maintenant que la crainte ne pouvait plus le conduire, il irait voir l’état du pays et consolider la paix." Le sénat décréta des vœux pour son retour, des actions de grâces aux dieux, et d’autres honneurs où les convenances étaient gardées. Le seul Cornélius Dolabella, tombant par émulation de zèle dans une absurde flatterie, proposa que Tibère, à son retour de Campanie, entrât avec l’appareil de l’ovation. Aussi le prince ne tarda-t-il pas à écrire "qu’après avoir dompté les nations les plus belliqueuses, et reçu dans sa jeunesse ou refusé tant de triomphes, il ne se croyait pas assez dépourvu de gloire pour ambitionner à son âge cette vaine récompense d’une promenade aux portes de Rome."

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À peu près dans le même temps, il demanda au sénat que la mort de Sulpicius Quirinus fût honorée par des funérailles publiques. Quirinus, né à Lanuvium, n’était point de l’ancienne famille patricienne des Sulpicius ; mais sa bravoure à la guerre, et des commissions où il avait montré de l’énergie, lui avaient valu le consulat sous Auguste. Il avait obtenu les ornements du triomphe pour avoir enlevé aux Homonades28, nation de Cilicie, toutes leurs forteresses. Donné pour conseil à Caïus César, lorsque celui-ci commandait en Arménie, il n’en avait pas moins rendu des hommages à Tibère dans sa retraite de Rhodes. Le prince fit connaître ce fait au sénat, louant l’attachement de Quirinus pour sa personne, et accusant M. Lollius, aux suggestions duquel il attribuait l’injuste inimitié du jeune César. Mais la mémoire de Quirinus n’était point agréable aux sénateurs, tant à cause de ses persécutions contre Lépida, dont j’ai parlé plus haut, que de sa vieillesse avare et odieusement puissante.

28. Peuple de la Cilicie Trachée, dont la capitale était Homonada, aujourd’hui Ermenek.

Crime de lèse-majesté de C. Lutorius Priscus

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À la fin de l’année, C. Lutorius Priscus, chevalier romain, auteur d’un poème où il avait déploré avec succès la mort de Germanicus, et pour lequel il avait reçu du prince une gratification, tomba dans les mains d’un délateur. Son crime était