Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/163

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guider aux passions d’autrui ; que les lois avaient pour objet les faits accomplis, parce que les actes futurs étaient incertains ; qu’ainsi l’avaient voulu nos ancêtres : le délit d’abord, ensuite la peine ; qu’il ne fallait pas changer des institutions sages et consacrées par le temps ; que les princes avaient assez de devoirs, assez même de puissance ; que la justice perdait tout ce que gagnait le pouvoir, et que l’autorité n’avait rien à faire où les lois conservaient leur action." Des paroles si généreuses sortaient rarement de la bouche de Tibère : celles-ci en furent accueillies avec plus de joie. Le prince, qui savait modérer les sévérités, quand il n’était pas animé par des ressentiments personnels, ajouta "que Gyare était une île sauvage et déserte ; qu’on devait à la famille des Junius, à un homme qui avait été sénateur, de le reléguer plutôt à Cythnos ; que la sœur de Silanus, Torquata, Vestale d’une vertu antique, demandait aussi cette grâce." Cet avis fut adopté.

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On donna ensuite audience aux Cyrénéens ; et Césius Cordus, accusé par Ancharius Priscus, fut condamné pour concussion. L. Ennius, chevalier romain, était dénoncé comme coupable de lèse-majesté, pour avoir converti en argenterie une statue du prince, et Tibère ne voulait pas qu’on admît l’accusation : il fut hautement combattu par Atéius Capito, qui, avec une fausse indépendance, s’écria "qu’on ne devait pas enlever au sénat sa juridiction, ni laisser un si grand forfait impuni. Que César mît, s’il le voulait, de la mollesse à poursuivre ses injures personnelles ; mais qu’il ne fût pas généreux au préjudice de la vengeance publique." Tibère prit ces paroles pour ce qu’elles étaient, et persista dans son opposition. Quant à Capito, son ignominie fut d’autant plus éclatante, que, profondément versé dans les lois divines et humaines, il déshonorait un grand mérite d’homme d’État et de belles qualités domestiques.

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Un doute s’éleva sur le temple où l’on placerait une offrande vouée par les chevaliers romains à la Fortune Equestre pour le rétablissement d’Augusta. La déesse avait des sanctuaires en plusieurs endroits de Rome, mais dans aucun elle n’était adorée sous ce titre. On trouva qu’un temple ainsi nommé existait à Antium, et qu’il n’était point en Italie d’institution religieuse, de lieu sacré, d’image des dieux qui ne fût sous la juridiction suprême du peuple romain ; et le don fut porté à Antium. Pendant qu’on s’occupait de religion, le prince fit connaître sa réponse, différée jusqu’alors, sur l’affaire de