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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/181

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il chasse les assiégeants par sa seule approche, fortifie les postes avantageux, et fait trancher la tête à quelques chefs musulans qui préparaient une défection. Puis, convaincu par l’expérience de plusieurs campagnes qu’une armée pesante et marchant en un seul corps n’atteindrait jamais des bandes vagabondes, il appelle le roi Ptolémée avec ses partisans, et forme quatre divisions qu’il donne à des lieutenants ou à des tribuns. Des officiers maures choisis conduisaient au butin des troupes légères ; lui-même dirigeait tous les mouvements.

25

Bientôt on apprit que les Numides, réunis près des ruines d’un fort nommé Auzéa, qu’ils avaient brûlé autrefois, venaient d’y dresser leurs huttes et de s’y établir, se fiant sur la bonté de cette position tout entourée de vastes forêts. À l’instant, des escadrons et des cohortes, libres de tout bagage et sans savoir où on les mène, courent à pas précipités. Au jour naissant, le son des trompettes et un cri effroyable les annonçaient aux barbares à moitié endormis. Les chevaux des Numides étaient attachés ou erraient dans les pâturages. Du côté des Romains, tout était prêt pour le combat, les rangs de l’infanterie serrés, la cavalerie à son poste. Chez les ennemis, rien de prévu : point d’armes, nul ordre, nul mouvement calculé ; ils se laissent traîner, égorger, prendre comme des troupeaux. Irrité par le souvenir de ses fatigues, et joyeux d’une rencontre désirée tant de fois et tant de fois éludée, le soldat s’enivrait de vengeance et, de sang. On fit dire dans les rangs de s’attacher à Tacfarinas, connu de tous après tant de combats ; que, si le chef ne périssait, la guerre n’aurait jamais de fin. Mais le Numide, voyant ses gardes renversés, son fils prisonnier, les Romains débordant de toutes parts, se précipite au milieu des traits, et se dérobe à la captivité par une mort qu’il fit payer cher. La guerre finit avec lui.

26

Le général demanda les ornements du triomphe et ne les obtint pas. Tibère eût craint de flétrir les lauriers de Blésus, oncle de son favori. Mais Blésus n’en fut pas plus illustre, et la gloire de Dolabella s’accrut de l’honneur qui lui était refusé. Avec une plus faible armée, il avait fait des prisonniers de marque, tué le chef ennemi, mérité le renom d’avoir terminé la guerre. À sa suite arrivèrent des ambassadeurs des Garamantes, spectacle rarement vu dans Rome. Effrayée de la chute de Tacfarinas, et n’ignorant pas ses propres torts, cette nation les avait envoyés pour donner satisfaction