Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/182

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

au peuple romain. Sur le compte qui fut rendu des services de Ptolémée pendant cette guerre, on renouvela un usage des premiers temps : un sénateur fut député pour lui offrir le sceptre d’ivoire, la toge brodée, antiques présents du sénat, et le saluer des noms de roi, d’allié et d’ami.

27

Ce même été, le hasard étouffa en Italie les germes d’une guerre d’esclaves. Le chef de la révolte, T. Curtisius, autrefois soldat prétorien, avait d’abord tenu à Brindes et dans les villes voisines des assemblées secrètes, et maintenant, par des proclamations publiquement affichées, il appelait à la liberté les pâtres grossiers et féroces de ces forêts lointaines, lorsque arrivèrent, comme par une faveur des dieux, trois birèmes destinées à protéger la navigation de cette mer. Le questeur Curtius Lupus, auquel était échue la surveillance des pâturages, de tout temps réservée à la questure, se trouvait aussi dans ces contrées. Il se mit à la tête des soldats de marine, et dissipa cette conjuration au moment même où elle éclatait. Bientôt le tribun Staïus, envoyé à la hâte par Tibère avec un fort détachement, traîne à Rome le chef et ses plus audacieux complices. L’alarme y était déjà répandue, à cause de la multitude des esclaves qui croissait sans mesure, pendant que la population libre diminuait chaque jour.

Politique intérieure

Procès contre Vibius Serenus

28

Sous les mêmes consuls, on vit un exemple horrible des misères et de la cruauté de ces temps, un père accusé, un fils accusateur. Tous deux, nommés Vibius Sérénus, furent introduits dans le sénat. Arraché de l’exil, le père, dans un triste et hideux appareil, écoutait enchaîné le discours de son fils. Le jeune homme, élégamment paré, le visage rayonnant, tout à la fois dénonciateur et témoin, parlait de complots formés contre le prince, d’émissaires envoyés dans les Gaules pour y souffler la révolte. C’était, ajoutait-il, l’ancien préteur Cécilius Cornutus qui avait fourni l’argent. Cornutus, pour abréger ses inquiétudes, et persuadé que le péril était la mort, se hâta de mourir. Quant à l’accusé, rien n’abattit son courage. Tourné vers son fils, il secouait ses chaînes, invoquait les dieux vengeurs, afin qu’ils lui rendissent un exil où il ne verrait pas de telles mœurs, et que leur justice atteignît quelque jour un fils dénaturé. Il protestait que Cornutus était innocent et victime de fausses terreurs ; qu’on en aurait la preuve en exigeant le nom des autres complices : car sans doute deux hommes n’avaient pas conjuré seuls la mort du prince et le renversement de l’État.

29