Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/197

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peu de considération, et prêt à tout faire pour acquérir une prompte célébrité. Il reprochait à Claudia une vie déréglée, un commerce adultère avec Furnius des maléfices et des enchantements contre le prince. Agrippine, toujours emportée, et qu’enflammait encore le danger de sa parente, court chez Tibère, et le trouve occupé d’un sacrifice à Auguste. Tirant de cette vue le sujet d’une invective amère, elle s’écrie "qu’on ne devrait pas immoler des victimes au divin Auguste, quand on persécute ses enfants. Ce n’est pas dans de muettes images que réside l’esprit de ce dieu ; son image vivante, celle qui est formée de son sang immortel, comprend ses dangers ; elle se couvre de deuil, pendant qu’on encense les autres. On accuse Claudia : vain subterfuge ! Claudia périt pour avoir follement adressé son culte à la malheureuse Agrippine, sans songer que le même crime a perdu Sosie." Ces plaintes arrachèrent à la dissimulation de Tibère un de ces mots si rares dans sa bouche. Il lui répliqua sévèrement, par un vers grec, que ses droits n’étaient pas lésés de ce qu’elle ne régnait point. Claudia et Furnius furent condamnés. Afer prit place parmi les hommes les plus éloquents : ce procès venait de révéler son génie ; et le prince avait mis le sceau à sa réputation en disant que le titre d’orateur lui appartenait de plein droit. Il continua d’accuser et de défendre ; carrière où il fit plus admirer son talent qu’estimer son caractère. Et ce talent même perdit beaucoup dans son dernier âge, où, malgré l’affaiblissement de son esprit, il ne put se résigner au silence.

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Cependant Agrippine tomba malade et reçut la visite de César. Opiniâtre en sa colère, elle pleura longtemps sans rompre le silence. Enfin, exhalant son dépit avec ses prières, elle le conjure "d’avoir pitié de sa solitude ; de lui donner un époux : elle est jeune encore, et une femme vertueuse ne peut demander de consolations qu’à l’hymen ; Rome a des citoyens qui daigneront sans doute recevoir la veuve de Germanicus avec ses enfants." Tibère sentit les conséquences politiques de cette demande. Toutefois, pour ne pas laisser éclater son mécontentement ou ses craintes, il sortit sans répondre, malgré les instances d’Agrippine. Ce fait n’est pas rapporté dans les annales du temps. Je le trouve dans les Mémoires où Agrippine, sa fille et mère de Néron, a transmis à la postérité l’histoire de sa propre vie et les malheurs de sa famille.

Séjan met la zizanie

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Bientôt Séjan, abusant de sa douleur et de son imprévoyance pour lui porter un coup plus fatal, lui fit donner