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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/213

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avoir prodigué un vil encens, lui déclarent une guerre impie… Est-on plus à plaindre, accusé à cause de l’amitié, que dénonciateur de son ami ? Je ne le déciderai pas. Du reste, je n’éprouverai ni la rigueur ni la clémence de personne. Libre et jouissant de ma propre estime, je préviendrai le danger. Et vous qui m’entendez, au lieu de donner des pleurs à ma mémoire, bénissez mes destins, et mettez-moi au nombre de ceux qui, par une fin honorable, ont échappé aux malheurs publics."

6. Probablement la conjuration de Séjan.
7. Tibère avait fait Séjan consul avec lui, et l’avait trompé par l’espoir d’une alliance.

Ensuite il passa une partie du jour à s’entretenir avec ses amis, permettant à chacun de se retirer quand il voulait ou de rester auprès de lui. Ils l’entouraient encore en grand nombre et admiraient l’intrépidité de son visage, sans penser que l’heure suprême dût arriver sitôt, lorsqu’il se laissa tomber sur une épée qu’il avait cachée sous sa robe. Tibère ne flétrit sa mémoire d’aucune imputation, quoiqu’il eût cruellement outragé celle de Blésus.

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On instruisit ensuite le procès de P. Vitellius et de Pomponius Sécundus. Le premier était accusé d’avoir offert à la conjuration les clefs de l’épargne, dont il était préfet, ainsi que le trésor de la guerre. L’ancien préteur Considius reprochait au second l’amitié d’Élius Gallus, qui, après le supplice de Séjan, avait choisi les jardins de Pomponius comme l’asile le plus sûr où il pût se réfugier. Les accusés ne trouvèrent d’appui que dans le dévouement de leurs frères, qui se firent leurs cautions. L’affaire fut souvent remise, et Vitellius, également fatigué d’espérer et de craindre, demanda un canif comme s’il eût voulu écrire, et s’en piqua légèrement les veines. Quelque temps après, le chagrin termina sa vie. Pomponius, qui joignait une grande élégance de mœurs à un esprit distingué, supporta courageusement l’infortune et survécut à Tibère.

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On résolut ensuite de sévir contre les derniers enfants de Séjan, quoique la colère du peuple commençât à s’amortir, et que les premiers supplices eussent calmé les esprits. On les porte à la prison : le fils prévoyait sa destinée ; la fille la soupçonnait si peu que souvent elle demanda quelle était sa faute, en quel lieu on la traînait, ajoutant qu’elle ne le ferait plus, qu’on pouvait la châtier comme on châtie les enfants. Les auteurs de ce temps rapportent que l’usage semblant défendre qu’une vierge subît la peine des criminels, le bourreau la viola auprès du lacet fatal. Puis il les étrangla l’un et l’autre, et les corps de deux enfants furent jetés aux Gémonies !

Un faux Drusus

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