Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/218

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est pour eux, avait-il ajouté, j’ai pour moi mon petit Tibère." Et sur tous ces points les premiers de Rome confondaient ses dénégations. Pressé par leurs témoignages, il en appelle à César ; et bientôt arrive une lettre en forme de plaidoyer, où le prince, après avoir rappelé l’origine de son amitié avec Cotta, et les preuves nombreuses d’attachement qu’il avait reçues de lui, priait le sénat de ne pas tourner en crimes des paroles mal interprétées et quelques plaisanteries échappées dans la gaieté d’un repas.

Lettre de Tibère au sénat
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Le début de cette lettre parut remarquable. Tibère la commençait par ces mots : "Que vous écrirai-je, pères conscrits ? Comment vous écrirai-je ? Ou que dois-je en ce moment ne pas vous écrire ? Si je le sais, que les dieux et les déesses me tuent plus cruellement que je ne me sens périr tous les jours." Tant ses forfaits et ses infamies étaient devenus pour lui-même un affreux supplice. Ce n’est pas en vain que le prince de la sagesse avait coutume d’affirmer que, si l’on ouvrait le cœur des tyrans, on le verrait déchiré de coups et de blessures, ouvrage de la cruauté, de la débauche, de l’injustice, qui font sur l’âme les mêmes plaies que fait sur le corps le fouet d’un bourreau. Ni le trône ni la solitude ne préservaient Tibère d’avouer les tourments de sa conscience et les châtiments par lesquels il expiait ses crimes.

Délation
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Libre de prononcer à son gré sur le sénateur Cécilianus, qui avait produit contre Cotta les charges les plus nombreuses, le sénat le punit de la même peine qu’Aruséius et Sanquinius, accusateurs d’Arruntius ; et c’est le plus grand honneur qu’ait jamais reçu Cotta, noble, il est vrai, mais ruiné par le luxe et décrié par ses bassesses, d’avoir paru digne d’une vengeance qui égalait ses vices aux vertus d’Arruntius. Q. Servéus et Minucius Thermus comparurent ensuite : Servéus, ancien préteur, et compagnon de Germanicus dans ses campagnes ; Minucius, de l’ordre équestre ; tous deux ayant joui, sans en abuser, de l’amitié de Séjan, ce qui excitait pour eux une pitié plus vive. Mais Tibère, après les avoir traités comme les principaux instruments du crime, enjoignait à C. Cestius, le père, de déclarer devant le sénat ce qu’il avait écrit au prince ; et Cestius se chargea de l’accusation. Ce fut le plus triste fléau de ces temps malheureux, que les premiers sénateurs descendissent même aux plus basses délations. On accusait en public ; plus encore en secret. Nulle distinction de parents ou d’étrangers, d’amis ou d’inconnus. Le fait le plus oublié