Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/219

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comme le plus récent, une conversation indifférente au Forum ou dans un repas, tout devenait crime. C’était à qui dénoncerait le plus vite et ferait un coupable, quelques-uns pour leur sûreté, le plus grand nombre par imitation, et comme atteints d’une fièvre contagieuse. Minucius et Servéus, condamnés, se joignirent aux délateurs, et firent éprouver le même sort à Julius Africanus, né en Saintonge, dans les Gaules, et à Séius Quadratus, dont je n’ai pu savoir l’origine. Je n’ignore pas que la plupart des écrivains ont omis beaucoup d’accusations et de supplices, soit que leur esprit fatigué ne pût suffire au nombre ; soit que, rebutés de tant de scènes affligeantes, ils aient voulu épargner aux lecteurs le dégoût qu’eux-mêmes en avaient éprouvé. Pour moi, j’ai rencontré beaucoup de faits dignes d’être connus, bien que laissés par d’autres dans le silence et l’oubli.

M. Terentius se défend devant le sénat : il est fier d’avoir été l’ami de Séjan
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Ainsi, lorsque chacun reniait sans pudeur l’amitié de Séjan, un chevalier romain, M. Térentius, accusé d’y avoir eu part, osa s’en faire honneur devant le sénat. "Pères conscrits, dit-il, peut-être conviendrait-il mieux à ma fortune de repousser l’accusation que de la reconnaître. Mais, quel que puisse être le prix de ma franchise, je l’avouerai, je fus l’ami de Séjan, j’aspirai à le devenir ; je fus joyeux d’y avoir réussi. Je l’avais vu commander avec son père les cohortes prétoriennes ; je le voyais remplir à la fois les fonctions civiles et militaires. Ses proches, ses alliés, étaient comblés d’honneurs ; son amitié était le titre le plus puissant à celle de César ; sa haine plongeait dans les alarmes et le désespoir quiconque l’avait encourue. Je ne prends personne pour exemple : je défendrai à mes seuls périls tous ceux qui, comme moi, furent innocents de ses derniers complots. Non, ce n’était pas à Séjan de Vulsinies que s’adressaient nos hommages ; c’était à la maison des Claudes et des Jules, dont une double alliance l’avait rendu membre2 ; c’était à ton gendre, César, à ton collègue dans le consulat, au dépositaire de ton autorité. Ce n’est pas à nous, d’examiner qui tu places sur nos têtes, ni quels sont tes motifs. A toi les dieux ont donné la souveraine décision de toutes choses ; obéir est la seule gloire qui nous soit laissée. Or, nos yeux sont frappés de ce qu’ils ont en spectacle ; ils voient à qui tu dispenses les richesses, les honneurs, où se trouve la plus