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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/24

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XIV INTRODUCTION.

pas revoquee en üoute. Rorae entiere accusait Domitien de la mort d’Agricola , et le gendre de ce grand homme declare qu’il ignore si ce bruit est fonde’. Ailleurs il consacre un chapitre entier ä justifier Tibere d’un parricide que la posterite ajoiiterait peut-etre aux crimes de ce prince. si rhistorien iveüt pris soin d’en decharger sa memoire’. La mort meme de Germanicus, sonheros de predilection , est pourlui un Probleme ä jamais iiisoluble . et il est bien pres detenirPison pour innocent, non sans doute de vosuxmeurtriers et de menees coupables , mais au moins de poison^.

II est encore un reproche que Ton a quelquefois adresse k Tacite, celui d’obscurite. Si Ton veut parier de la diction, nous avons fait, i Toccasion de la Vie d’Agricola. les seules concessions possibles. S’il s’agit des pensees . nous dirons que . pour etre fines et profondes . elles ne sont pas obscures. et que, s’il faut quelque attention pour les saisir, l’intelligence satisfaite ne regrette jamais la peine qu’elle s’est donnee. Elle trouve ordinairement plus qu’elle n’attendait : un mot jete au milieu du recit contient souvent une iraportante maxime ; une seule expression reveille une foule d’idees accessoires et s’adresse en meme temps a la raison, au coeur , ä Timagination. Lesterraes ne sont point vagues : ils sont ricbes de sens, et l’auteur cboisit toujours ceux qui embrassent le mieux toute l’etendue de sa pensee. Mais, comme le langage est borne et la pensee infinie, il arrive que celle-ci n’apparait quelquefois que dans une sorte de demi-jour, et laisse au lecteur des decouvertes ä faire.

C’est pour cela que de savants hommes* ont applique au style de Tacite ce que lui-meme a dit de Poppee . femme de Neron ’ : « Elle ne se montrait jamais qu’a demi voilee, seit pour ne pas rassasier les regards, Goit qu’elle eüt ainsi plus de charmes. » Celle pretendue obscurite de Tacite est en effet une des principales sources du plaisir que Ton prend a sa lecture , et qui devieut plus vif, plus il ^st repete. Du feste, eile ne s’etend point ä rexposition des faits : rien de plus clair que chacune des narrations de ce grand ecrivain , rien de mieux ordonne que l’ensemble de ses recits. Toutefois j’ai deja remarque qu’il en est quelques-uns oü Ton desirerait des details plus circonstancies ; j’ajouterai que l’habitude de presenter ses idees sous la forme la plus generale entraine quelquefois le narrateur dans une apparence d’eiageration. Ainsi, en racontant que Tibere fit mettre 4 mort tous ceux qui etaient detenus comme coraplicesde Söjan , il peint la terre jonchee de cadavres , et les corps de nobles et d’inconnus, d’enfants et de femmes, gisant ^pars ou amonceles*. Notre eiaclilude moderne aimerail 4 connattre le nombre des victimes’ ; i. Jgriccla, cliap. xi.m. — 2 Annalfs , liv. IV, chap. xr. — 3. IbiJ.^ liv. Hl. ch.ip. XIV, XIX. — 4. Gordon, L.i nicltorie, cl M. Ancillon, Melanies de litterature et de phil>.sophie. — 5. AnnaUs, liv. XIII, chap. xi.v. (J. //’/./., liv. VI, chap. XIX. — 7. Sii^lonc en complc vingl dans un jour ; niai& il n<> ’lil pas conibicn de .iours Uur6rcnl les execuUons.