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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/275

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Les grandeurs étrangères trouvaient facilement grâce devant Claude. Il délibéra cependant s’il devait recevoir à merci un tel prisonnier, ou le réclamer les armes à la main. Le ressentiment et la vengeance conseillaient ce dernier parti. Mais on objecta mille inconvénients : "d’abord, la guerre dans un pays sans routes et sur une mer sans ports ; ensuite des rois intrépides, des peuples errants, un sol stérile ; enfin les ennuis de la lenteur, les dangers de la précipitation ; peu de gloire si l’on était vainqueur, beaucoup de honte si l’on était repoussé. Pourquoi ne pas saisir ce qui était offert, et garder en exil un captif dont le supplice serait d’autant plus grand, que sa vie, dénuée de tout se prolongerait davantage ? " Convaincu par ces raisons, Claude écrivit à Eunone "que Mithridate avait mérité les dernières rigueurs, et que la force ne manquait pas aux Romains pour faire un grand exemple ; mais qu’ils avaient appris de leurs ancêtres à montrer autant de clémence envers les suppliants que de vigueur contre les ennemis ; qu’à l’égard du triomphe, on ne le gagnait que sur des peuples ou des rois qui ne fussent pas déchus."

Mithridate, livré alors et conduit à Rome par Junius Cilo, procurateur du Pont, montra, dit-on, en parlant à Claude, une fierté plus haute que sa fortune. Voici ses paroles telles que la renommée les publia : "Je n’ai point été renvoyé vers toi, j’y suis revenu ; si tu ne le crois pas, laisse-moi partir, et tâche de me reprendre." Son visage conserva toute son intrépidité, lorsque, placé près des rostres et entouré de gardes, il fut offert aux regards du peuple. Les ornements consulaires furent décernés à Cilo, ceux de la préture à Julius Aquila.

A Rome

Agrippine s’attaque à une rivale

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Sous les mêmes consuls, Agrippine, implacable en ses haines, et mortelle ennemie de Lollia, qui lui avait disputé la main de Claude, lui chercha des crimes et un accusateur. Elle avait, disait-on, interrogé des astrologues et des magiciens, et consulté l’oracle d’Apollon de Claros sur le mariage du prince. Claude, sans entendre l’accusée, prononce son avis dans le sénat. Après un long exorde sur l’illustration de cette femme, qui était nièce de L. Volusius, petite-nièce de Messalinus Cotta, et qui avait eu Memmius Régulus pour époux (car il omettait à dessein son mariage avec l’empereur Caïus), il ajouta qu’il fallait réprimer des complots funestes à la république, et ôter au crime ses moyens de succès. Il proposa donc la confiscation des biens et le bannissement hors de l’Italie. Lollia fut exilée, et, sur son immense fortune, on lui laissa cinq millions