Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/284

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Quand l’empereur eut appris la mort de son lieutenant, pour ne pas laisser la province sans chef, il mit à sa place A. Didius. Celui-ci, malgré sa diligence, ne trouva pas les choses dans l’état où Ostorius les avait laissées. Une légion gourmandée par Manlius Valens avait été battue dans l’intervalle ; échec que les Bretons grossissaient pour effrayer le nouveau général, et dont lui-même exagéra l’importance, afin de se ménager ou plus de gloire, s’il le réparait, ou une excuse plus légitime, si l’ennemi conservait l’avantage. C’étaient encore les Silures qui nous avaient porté ce coup ; et jusqu’à ce que Didius, accouru à la hâte, les eût repoussés, ils infestèrent au loin le pays. Depuis la prise de Caractacus, les barbares n’avaient pas de meilleur capitaine que Vénusius. J’ai déjà dit qu’il était de la nation des Brigantes. Fidèle à notre empire et défendu par nos armes tant qu’il fut l’époux de la reine Cartismandua, il ne fut pas plus tôt séparé d’elle par le divorce, ensuite par la guerre, qu’il devint aussitôt notre ennemi. La lutte fut d’abord entre eux seuls, et Cartismandua, par un adroit stratagème, fit prisonnier le frère et les parents de Vénusius. Indignés et redoutant l’ignominie d’obéir à une femme, les ennemis armèrent leur plus brave jeunesse, et fondirent sur les États de la reine. Nous l’avions prévu, et des cohortes envoyées à son secours livrèrent un rude combat, où la fortune, d’abord indécise, finit par nous être prospère. Une légion combattit avec le même succès sous les ordres de Césius Nasica : car Didius, appesanti par l’âge et rassasié d’honneurs, faisait la guerre par ses officiers, et se bornait à repousser l’ennemi. Ces événements eurent lieu en plusieurs années sous deux propréteurs, Ostorius et Didius. Je les ai réunis, de peur que séparés ils ne laissassent un souvenir trop fugitif. Je reviens à l’ordre des temps.

An 51

A Rome

Néron ascendant, Britannicus dans la tourmente

41

Sous le consulat de Cornélius Orphitus et le cinquième de Claude, on donna prématurément la robe virile à Néron, afin qu’il parût en état de prendre part aux affaires publiques. Le prince accorda facilement aux adulations des sénateurs que Néron prît possession du consulat à vingt ans, que jusque-là il eût le titre de consul désigné et le pouvoir proconsulaire hors de Rome, enfin qu’il fût nommé prince de la jeunesse. On fit de plus en son nom des libéralités au peuple et aux soldats ; et, dans les jeux du cirque qui furent donnés pour lui gagner l’affection de la multitude, Britannicus parut avec la prétexte, et Néron avec la robe triomphale. Ainsi le peuple