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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/288

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et demande que les Ibériens lèvent le siège. Le roi lui donne en public des réponses équivoques ; souvent même il feint de consentir, tandis que ses émissaires avertissent Rhadamiste de hâter par tous les moyens possibles la prise de la forteresse. On augmente le salaire du crime, et Pollion, corrupteur de ses propres soldats, les pousse secrètement à demander la paix, si l’on ne veut qu’ils abandonnent la place. Vaincu par la nécessité, Mithridate accepte une entrevue où le traité doit se conclure, et sort du château.

Rhadamiste tue Mithridate et s’empare de l’Arménie

47

A son arrivée, Rhadamiste se jette dans ses bras, lui prodigue les marques de respect, les noms de père et de beau-père. Il ajoute le serment de n’employer contre lui ni le fer ni le poison ; puis il l’entraîne dans un bois voisin où il avait, disait-il, ordonné les apprêts d’un sacrifice, afin que la paix fût scellée en présence des dieux. L’usage de ces rois, quand ils font une alliance, est de se prendre mutuellement la main droite et de s’attacher ensemble les pouces par un nœud très-serré. Lorsque le sang est venu aux extrémités, une légère piqûre le fait jaillir, et chacun des contractants suce celui de l’autre. Cette consécration du sang leur paraît donner au traité une force mystérieuse. Celui qui était chargé d’appliquer le lien feignit de tomber, et, saisissant les genoux de Mithridate, le renversa lui-même. Aussitôt ce prince est environné, chargé de chaînes, et entraîné les fers aux pieds, ce qui est chez les barbares le dernier des opprobres. Le peuple, traité durement sous son règne, s’en vengea par des injures et des gestes menaçants. Il en était aussi dont cette grande vicissitude de la fortune excitait la pitié. Sa femme suivait avec ses enfants en bas âge, et faisait retentir l’air de ses lamentations. On les enferma séparément dans des chariots couverts, jusqu’à ce qu’on eût pris les ordres de Pharasmane. Un frère et une fille n’étaient rien pour ce barbare auprès d’une couronne, et son âme était disposée à tous les crimes. Cependant, par un reste de pudeur, il ne les fit pas tuer devant lui. De son côté, Rhadamiste se souvint de son serment : il n’employa, contre son oncle et sa sœur, ni le fer ni le poison ; mais il les fit étendre par terre, et étouffer sous un amas d’étoffes pesantes. Les fils même de Mithridate furent égorgés pour avoir pleuré en voyant périr les auteurs de leurs jours.

Réaction des Romains

48

A la nouvelle de la trahison qui avait mis le royaume de Mithridate au pouvoir de ses meurtriers, Quadratus assemble son conseil, expose les faits, met en délibération