Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/326

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

marquaient le progrès de la sédition, et appelaient le massacre et les armes : C. Cassius fut choisi pour y porter remède ; mais sa sévérité révolta les esprits ; et, sur sa propre demande, on mit à sa place les deux frères Scribonius, auxquels on donna une cohorte prétorienne. La terreur qu’elle inspira, jointe à quelques supplices, rétablit la concorde.

49

Je ne rapporterais pas un sénatus-consulte d’aussi peu d’intérêt que celui qui permit aux Syracusains d’excéder dans les jeux le nombre prescrit de gladiateurs, si Thraséas, en le combattant, n’eût donné à ses détracteurs l’occasion de censurer son vote. "Car enfin, s’il croyait la liberté du sénat si nécessaire à la république, pourquoi s’attacher à de telles frivolités ? Que ne consacrait-il sa voix à discuter la paix ou la guerre, les impôts, les lois, tout ce qui touche à la grandeur romaine ? Tout sénateur, chaque fois qu’il recevait le droit d’opiner, était libre d’exposer ses vœux et de requérir une délibération. Était-ce donc la seule réforme à faire que d’empêcher que Syracuse ne dépensât trop en spectacles ? et régnait-il dans tout le reste un aussi bel ordre que si Thraséas tenait, à la place de Néron, le gouvernail de l’État ? Si l’on gardait un silence prudent sur les choses importantes, combien plus devait-on se taire sur des bagatelles ! " Thraséas répondait à ses amis, qui de leur côté lui demandaient ses motifs : "que, s’il s’opposait à de pareils décrets, ce n’était pas faute de connaître la situation des affaires ; c’était pour sauver l’honneur du sénat, en faisant voir à tous que des yeux ouverts sur des objets si frivoles ne se fermeraient pas sur les grands intérêts de l’empire."

Néron veut supprimer les taxes à Rome

50

La même année, touché des instances réitérées du peuple, et de ses plaintes contre la tyrannie des publicains, Néron eut la pensée d’abolir toutes les taxes19, et de faire ainsi au genre humain le plus magnifique des présents. Mais les sénateurs, après avoir beaucoup loué la générosité du prince, en arrêtèrent l’élan. Ils lui représentèrent "que c’en était fait de l’empire, si l’on diminuait les revenus qui soutenaient sa puissance ; que, les péages supprimés, on ne manquerait pas de demander aussi la suppression du tribut ; que la plupart des fermes publiques avaient été établies par les consuls et les tribuns du peuple, quand la liberté romaine était encore dans