Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/341

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perdit aussi le rang de sénateur, accusé par les Cyrénéens d’avoir violé le trésor d’Esculape, et cédé, dans la levée des soldats, à la double corruption de la brigue et de l’or. Le même peuple poursuivait Acilius Strabo ancien préteur, envoyé par Claude pour régler la propriété de plusieurs domaines possédés autrefois par le roi Apion4, et que ce prince avait laissés, avec ses États, au peuple romain. Les propriétaires voisins les avaient envahis, et ils se prévalaient d’une usurpation longtemps tolérée, comme d’un titre légitime. En prononçant contre eux, le juge souleva les esprits contre lui-même. Le sénat répondit aux Cyrénéens qu’il ignorait les ordres de Claude, et qu’il fallait consulter le prince, Néron, approuvant le jugement d’Acilius, écrivit néanmoins que, par égard pour les alliés, il leur faisait don de ce qu’ils avaient usurpé.

4. Le roi Apion, descendant des Lagides, dernier souverain d’une partie de la Libye, avait légué ses États au peuple romain l’an de Rome 880. Les principales villes étaient Bérénice Ptolémaïs et Cyrène.

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Bientôt après, deux hommes du premier rang, Domitius Afer et M. Servilius, terminèrent une carrière qui avait brillé de tout l’éclat des honneurs et de l’éloquence, Tous deux furent célèbres au barreau ; Servilius le devint doublement en écrivant l’histoire romaine, et il le fut encore par une élégance de mœurs à laquelle la vie toute différente de son rival de génie donnait un nouveau lustre.

An 60

Les jeux quinquennaux

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Sous le quatrième consulat de Néron, qui eut pour collègue Cornelius Cassus, des jeux quinquennaux, institués à Rome à l’imitation des combats de la Grèce, donnèrent lieu, comme toutes les nouveautés, à des réflexions diverses. Selon les uns, "Pompée lui-même avait encouru le blâme des vieillards en établissant un théâtre permanent ; car avant lui la scène et les gradins, érigés pour le besoin présent, ne duraient pas plus que les jeux et même, si l’on remontait plus haut, le peuple y assistait debout ; assis, on eût craint qu’il ne consumât des journées entières dans l’oisiveté du théâtre. Au moins fallait-il s’en tenir aux spectacles anciens, tels que les donnaient encore les préteurs, où nul citoyen n’était obligé de disputer le prix. Les mœurs de la patrie, altérées peu à peu, allaient périr entièrement par cette licence importée. Ainsi tout ce qui peut au monde recevoir et donner la corruption serait vu dans Rome ! ainsi dégénérerait, énervée par