Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/373

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ou soumise à un prince du choix de l’empereur." Il ajoutait "que la paix serait utile aux deux partis ; que Vologèse ne devait pas seulement envisager le présent qu’il était venu contre deux légions avec toutes les forces de son royaume, mais qu’il restait aux Romains l’univers pour soutenir leur querelle."

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Vologèse, sans rien discuter, répondit : "qu’il était obligé d’attendre ses frères Pacorus et Tiridate ; que ce lieu même et ce temps étaient désignés pour un conseil où ils prononceraient sur le sort de l’Arménie, et (puisque les justes dieux donnaient ce triomphe au sang d’Arsace) où ils fixeraient de plus le destin des légions romaines." Pétus députa vers le roi pour lui demander un entretien : celui-ci envoya Vasacès, commandant de sa cavalerie. Alors le général parla des Lucullus, des Pompée, de tous les actes des Césars, soit pour garder, soit pour donner l’Arménie. Vasacès soutenait que, si nous avions l’image de ce pouvoir, les Parthes en avaient la réalité. Après de longs débats, Monobaze d’Adiabénie fut appelé le lendemain comme témoin de leur accord. On convint que le siège du camp serait levé, que tous les soldats sortiraient de l’Arménie, que les forts et les approvisionnements seraient livrés aux Parthes, et que, toutes ces choses accomplies, on donnerait le temps à Vologèse d’envoyer au prince des ambassadeurs.

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Cependant Pétus jeta un pont sur le fleuve Arsanias4, qui coulait près du camp ; il feignit d’en avoir besoin pour son passage ; mais les Parthes avaient imposé ce travail en preuve de leur victoire, car ce fut à eux qu’il servit : les nôtres prirent la route opposée. La renommée ajouta que les légions avaient subi l’infamie du joug, et d’autres ignominies vraisemblables en de tels revers, et dont les Parthes se donnèrent le spectacle simulé ; car ils entrèrent dans le camp avant que l’armée romaine en fût sortie, et à son départ, ils se placèrent des deux côtés de la route, reconnaissant et emmenant des esclaves et des bêtes de somme depuis longtemps entre nos mains. Des habits même furent enlevés, des armes retenues, et le soldat tremblant n’osait s’y opposer, de peur d’être obligé de combattre. Vologèse, pour constater notre défaite, fit amonceler les armes et les corps des hommes tués ; du reste il se refusa à la vue de nos légions en fuite : son orgueil rassasié aspirait aux honneurs de la modération. Il affronta le courant de l’Arsanias monté sur un éléphant, et ceux qui étaient près de lui le traversèrent à cheval, parce que le bruit s’était répandu que le pont romprait sous le faix par la fraude des constructeurs ; mais ceux qui osèrent y passer reconnurent qu’il était solide et ne cachait aucun piège.

4. Fleuve aujourd’hui nommé Arsen, qui traverse la Sophène et se rend dans l’Euphrate, après avoir passé par Arsamosate. (D’Anville.)

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