Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/380

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mieux la nation des Parthes par son alliance avec Rome, que par des hostilités mutuellement funestes. Le général n’ignorait pas leurs discordes intestines, et quels peuples indomptables le roi gouvernait. Son empereur au contraire jouissait partout d’une paix profonde, et n’avait que cette seule guerre." Aux conseils ajoutant la terreur, il chasse de leurs habitations les grands d’Arménie qui avaient commencé la révolte, et il rase leurs châteaux. Plaines et hauteurs, puissants et faibles, il remplit tout d’une égale consternation.

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Le nom de Corbulon n’inspirait aux barbares mêmes aucune prévention, encore moins cette haine qu’on ressent pour un ennemi : aussi eurent-ils foi à ses conseils ; et Vologèse, qui ne repoussait pas un accommodement, demanda une trêve pour plusieurs de ses provinces. Tiridate désira une entrevue. Le temps fut fixé à un jour prochain : le lieu fut celui où Pétus avait été naguère assiégé avec ses légions. Les barbares le choisirent à cause du succès qu’il leur rappelait, et Corbulon ne l’évite pas, dans l’idée que le contraste rehausserait sa gloire. Le mauvais renom de Pétus le touchait peu d’ailleurs : il en donna une preuve éclatante en chargeant le fils même de Pétus, tribun des soldats, d’aller avec un détachement et d’ensevelir les restes de la dernière défaite. Au jour convenu, Tibérius Alexander11, chevalier romain du premier rang, donné à Corbulon pour l’aider dans cette guerre, et Vivianus Annius, gendre de ce général, trop jeune encore pour être sénateur, mais placé, avec les fonctions de lieutenant, à la tète de la cinquième légion, se rendirent dans le camp de Tiridate pour faire honneur à ce prince, et le rassurer, par un tel gage, contre toute crainte d’embûches. Les deux chefs prirent chacun vingt cavaliers. A la vue de Corbulon, le roi descendit le premier de cheval : Corbulon l’imita aussitôt, et l’un et l’autre, s’avançant à pied, se donnèrent la main.

11. Le même qui depuis fut préfet d’Égypte et fit le premier reconnaître Vespasien comme empereur.

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Alors le Romain loua le jeune prince de ce que, au lieu de se précipiter dans les hasards, il revenait aux conseils de la prudence. Celui-ci parla beaucoup de sa noble origine ; puis, avec plus de modestie, il ajouta "qu’ainsi donc il irait à Rome, et porterait à César un triomphe inconnu jusqu’alors, un Arsacide suppliant, quand les Parthes n’étaient pas vaincus." On convint que Tiridate déposerait devant l’effigie de