Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/391

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Gratus, Antonius Natalis, Martius Festus, tous chevaliers romains. D’une intime familiarité avec le prince, il restait à Sénécion les semblants de l’amitié, et plus de périls en menaçaient sa tête. Natalis était le confident de tous les secrets de Pison ; le reste fondait sur une révolution d’ambitieuses espérances. Avec Subrius et Sulpicius, que j’ai déjà nommés, d’autres gens d’épée promirent encore leurs bras, Granius Silvanus et Statius Proximus, tribuns dans les cohortes prétoriennes, Maximus Scaurus et Vénétus Paulus, centurions. Mais la force principale semblait être dans le préfet du prétoire Fénius Rufus, homme estimé pour sa conduite et ses mœurs, que Tigellin, cruel, impudique, et, à ce titre, placé bien plus avant dans le cœur du prince, poursuivait de ses délations. Même il l’avait plus d’une fois mis en péril, sous prétexte d’amours criminelles avec Agrippine, que Fénius regrettait, selon lui, et qu’il voulait venger. Quand les conjurés virent un préfet du prétoire engagé dans leur parti, et qu’ils en eurent plusieurs fois reçu l’assurance de sa bouche, ils commencèrent à délibérer plus hardiment sur le lieu et le temps de l’exécution. On dit que Subrius avait déjà eu la pensée d’attaquer Néron pendant qu’il chantait sur la scène, ou lorsque, dans l’incendie du palais, il courait çà et là, de nuit et sans gardes. Ici la solitude, là tout un peuple témoin d’un coup si glorieux, aiguillonnaient ce généreux courage ; mais il fut retenu par le désir de l’impunité, écueil ordinaire des grands desseins.

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Pendant que les conjurés indécis reculaient le terme de leurs espérances et de leurs craintes, une femme nommée Épicharis, qui était entrée dans le secret sans qu’on ait su comment (rien d’honnête jusqu’alors n’avait occupé sa pensée), les animait par ses exhortations et ses reproches. Enfin, ennuyée de leurs lenteurs, et se trouvant en Campanie auprès de la flotte de Misène, elle essaye d’en ébranler les chefs et de les lier au parti par la complicité. Voici le commencement de cette intrigue : un des chiliarques17 de la flotte, Volusius Proculus, avait eu part à l’attentat de Néron contre les jours de sa mère, et se croyait peu récompensé pour un crime de cette importance. Soit qu’Épicharis le connût auparavant, ou qu’une amitié récente les unit, il lui parle des services qu’il avait rendus à Néron et du peu de fruit qu’il en recueillait.