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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/405

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Le trésor de Didon

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Bientôt la fortune se joua de Néron, abusé par sa propre crédulité et par les promesses du Carthaginois Césellius Bassus. Cet homme, d’une imagination mal réglée, avait pris pour un oracle infaillible l’illusion d’un songe. Il vient à Rome, achète une audience du prince, lui expose "qu’il a découvert dans son champ un souterrain d’une profondeur immense, renfermant une grande quantité d’or non monnayé, dont les masses brutes annonçaient la plus antique origine. C’étaient d’un côté d’énormes lingots entassés par terre, tandis que de l’autre côté l’or s’élevait en colonnes : trésors enfouis depuis tant de siècles pour accroître les prospérités de l’âge présent. Nul doute, au reste, que ce ne fût la Phénicienne Didon qui, après sa fuite de Tyr et la fondation de Carthage, avait caché ces richesses, de peur qu’un peuple naissant ne fût amolli par trop d’opulence, ou que les rois numides, déjà ses ennemis, ne fussent entraînés par la soif de l’or à s’armer contre elle."

2

Néron, sans examiner quelle foi méritait fauteur de ce récit ou le récit même, et sans charger personne d’aller reconnaître si on lui annonçait la vérité, accrédite le premier cette nouvelle, et envoie chercher une proie qu’il croit déjà tenir. Afin d’accélérer le voyage, il donne des galères avec des équipages choisis. Ce fut, dans ce temps-là, l’unique objet des crédules entretiens de la foule et des réflexions toutes contraires des gens éclairés. Comme on célébrait alors les secondes Quinquennales, les orateurs tirèrent de ce fonds les principaux ornements de leurs panégyriques : "C’était peu, disaient-ils, que la terre se couvrît de moissons et engendrât ces minerais où l’or est enveloppé ; elle ouvrait les sources d’une fécondité