Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/414

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parmi ses esclaves, la plus grande partie des autres jetés dans les fers, et la défense interdite à l’accusé.

L’empereur se trouvait alors en Campanie, et Pétrone l’avait suivi jusques à Cumes, où il eut ordre de rester. Il ne soutint pas l’idée de languir entre la crainte et l’espérance ; et toutefois il ne voulut pas rejeter brusquement la vie. Il s’ouvrit les veines, puis les referma, puis les ouvrit de nouveau, parlant à ses amis et les écoutant à leur tour : mais dans ses propos, rien de sérieux, nulle ostentation de courage ; et, de leur côté, point de réflexions sur l’immortalité de l’âme et les maximes des philosophes ; il ne voulait entendre que des vers badins et des poésies légères. Il récompensa quelques esclaves, en fit châtier d’autres ; il sortit même ; il se livra au sommeil, afin que sa mort, quoique forcée, parût naturelle. Il ne chercha point, comme la plupart de ceux qui périssaient, à flatter par son codicille ou Néron, ou Tigellin, ou quelque autre des puissants du jour. Mais, sous les noms de jeunes impudiques et de femmes perdues, il traça le récit des débauches du prince, avec leurs plus monstrueuses recherches, et lui envoya cet écrit cacheté : puis il brisa son anneau, de peur qu’il ne servît plus tard à faire des victimes.

Autres meurtres

20

Néron cherchait comment avaient pu être divulgués les mystères de ses nuits. Silia s’offrit à sa pensée : épouse d’un sénateur, ce n’était point une femme inconnue ; elle servait d’instrument à la lubricité du prince, et d’étroites liaisons l’avaient unie à Pétrone. Elle fut exilée, comme n’ayant pas su taire ce qu’elle avait vu et enduré. Néron l’avait sacrifiée à sa propre haine : il livra Minucius Thermus, ancien préteur, aux ressentiments de Tigellin, contre lequel un affranchi de Thermus avait hasardé quelques accusations. L’affranchi expia son indiscrétion par d’horribles tortures, et le maître, qui en était innocent, la paya de sa tête.

Et maintenant Thraséas

21

Après avoir massacré tant d’hommes distingués, Néron voulut à la fin exterminer la vertu même, en immolant Pétus Thraséas et Baréa Soranus. Tous deux il les haïssait depuis longtemps ; mais Thraséas avait à sa vengeance des titres particuliers. Il était sorti du sénat, comme je l’ai dit, pendant la délibération qui suivit la mort d’Agrippine. Aux représentations des Juvénales, il n’avait pas fait voir un zèle assez empressé, offense d’autant plus sensible à Néron, que le même Thraséas, étant à Padoue, sa patrie, aux jeux du Ceste institués