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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/415

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par le Troyen Anténor5, avait chanté sur la scène en costume tragique. De plus, le jour où le préteur Antistius allait être condamné à mort pour une satire contre le prince, il avait proposé et fait prévaloir un avis plus doux. Enfin, lorsqu’on décerna les honneurs divins à Poppée, il s’était absenté volontairement, et n’avait point paru aux funérailles. C’étaient autant de souvenirs que ne laissait pas tomber Cossutianus Capito, esprit naturellement pervers, et de plus ennemi de Thraséas, dont le suffrage avait entraîné sa condamnation, quand les députés ciliciens vinrent l’accuser de rapines.

5. Tout le monde connaît la tradition qui attribuait su Troyen Anténor la fondation de Patavium, ou Padoue. Les jeux qu’on y célébrait se rattachaient donc aux plus anciens souvenirs de la patrie, et avaient quelque chose de national et de religieux à la fois.

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Il lui trouvait encore d’autres crimes : "Au commencement de l’année, Thraséas évitait le serment solennel ; il n’assistait pas aux vœux pour l’empereur, quoiqu’il fût revêtu du sacerdoce des quindécemvirs ; jamais il n’avait offert de victimes pour le salut du prince ni pour sa voix céleste. Assidu jadis et infatigable à défendre ou à repousser les moindres sénatus-consultes, il n’avait pas, depuis trois ans, mis le pied dans le sénat. Dernièrement encore, pendant qu’on y courait à l’envi pour réprimer les complots de Silanus et de Vétus, il avait donné la préférence aux intérêts particuliers de ses clients. N’était-ce pas là une scission prononcée, un parti, et, si beaucoup imitaient cette audace, une guerre ? Il fut un temps où c’était de Caton et de César, aujourd’hui, Néron, c’est de Thraséas et de toi que s’entretient un peuple avide de discordes. Thraséas a des sectateurs, ou plutôt des satellites, qui, sans se permettre encore ses votes séditieux, copient déjà son air et son maintien ; gens qui se font rigides et austères, afin de te reprocher une vie dissolue. Lui seul n’a pas une pensée pour ta conservation, pas un hommage pour tes talents. Les succès du prince excitent ses mépris : faut-il encore que son deuil et ses douleurs ne puissent rassasier sa haine ? Ne pas croire à la divinité de Poppée vient du même esprit que de ne pas jurer sur les actes des dieux Jules et Auguste. Il brave la religion, anéantit les lois. Les armées, les provinces, lisent les journaux du peuple romain avec un redoublement de curiosité, afin de savoir ce que Thraséas n’a pas fait. De deux choses l’une : embrassons les maximes qu’il professe,