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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/426

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nouveautés ; et la perfidie de leur préfet Nymphidius Sabinus, qui conspirait pour se faire empereur, nourrissait de plus en plus cet esprit séditieux. Nymphidius, il est vrai, périt dans l’essai de son crime. Mais, quoique la révolte eût perdu son chef, il restait à la plupart des soldats le sentiment inquiet de leur complicité. Il ne manquait pas de voix qui murmuraient contre la vieillesse et l’avarice de Galba. Sa sévérité, célébrée jadis dans les camps par tous les éloges de la renommée, alarmait des esprits dégoûtés de l’ancienne discipline, et qui avaient appris sous Néron, par une habitude de quatorze ans, à aimer les vices des princes, autant qu’autrefois ils respectaient leurs vertus. Ajoutons ce que dit Galba, « qu’il choisissait les soldats et ne les achetait point : » parole qui honorait ses principes politiques aux dépens de sa sûreté ; car le reste de sa conduite ne répondait pas à cette maxime.

VI. Le faible vieillard était livré à T. Vinius et à Cornélius Laco, l’un le plus méchant, l’autre le plus lâche des hommes, qui, amassant sur lui la haine due aux forfaits et le mépris qu’attire l’indolence, le perdaient de concert. La marche de Galba[1] avait été lente et ensanglantée : il avait fait mourir Cingonius Varro, consul désigné, et Pétronius Turpilianus, homme consulaire. Accusés, celui-là d’avoir été complice de Nymphidius, celui-ci conseil de Néron, tous deux périrent avec les honneurs de l’innocence, sans avoir été ni entendus ni défendus. Son entrée dans Rome, que signala le massacre de tant de milliers de soldats désarmés, fut d’un présage malheureux, et jusqu’aux meurtriers frémirent d’épouvante. Une légion d’Espagne était entrée avec lui ; celle que Néron avait levée sur la flotte n’était pas sortie ; Rome était pleine d’une milice inaccoutumée, grossie encore de nombreux détachements venus de Germanie, de Bretagne, d’Illyrie. Néron les avait choisis et fait partir en avant pour les portes Caspiennes et la guerre qu’il préparait contre les Albaniens ; puis il les avait rappelés pour étouffer la révolte de Vindex. C’était un puissant moyen de révolutions ; et, sans favoriser de préférence aucun intérêt, cette multitude était à la disposition du premier audacieux.

VII. Le hasard voulut qu’on apprît dans ce même temps le meurtre de Clodius Macer et celui de Fontéius Capito[2]. Macer,

  1. D’Espagne à Rome.
  2. Clodius Macer était gouverneur d’Afrique ; et Fontéius Capito commandait l’armée de la Basse-Germanie.