Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/437

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et en fit présent au soldat. Et tout cela était souffert par la stupide insouciance d’un préfet, auquel échappaient les choses les mieux connues comme les plus cachées.

Othon passe à l’action

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Le crime une fois résolu, il en confia l’exécution à son affranchi Onomaste, qui lui amena Barbius Proculus, tesséraire15 des gardes, et Véturius, officier subalterne du même corps. Othon les sonda sur des objets divers, et, quand il les sut audacieux et rusés, il les combla de dons et de promesses, et leur remit de l’argent pour acheter des complices. Deux soldats prirent sur eux de transférer l’empire des Romains, et ils le transférèrent. Ils ne découvrirent qu’à un petit nombre de confidents le coup qu’ils préparaient. Quant aux autres, ils ébranlaient de mille manières leur fidélité chancelante ; insinuant aux principaux militaires que les bienfaits de Nymphidius les rendaient suspects, irritant la foule des soldats par le désespoir d’obtenir jamais la gratification tant de fois différée. Quelques esprits s’enflammaient par le souvenir de Néron, et le regret d’une licence dont le temps n’était plus. Enfin une crainte commune les effrayait tous, celle de passer dans un service inférieur.

15. On appelait tessera (du grec téssares) une planchette carrée sur laquelle on écrivait le mot d’ordre, et qui, du tribun ou du commandant d’un corps, passait successivement à tous les centurions, jusqu’à ce qu’elle revint à celui qui l’avait donnée. Les soldats chargés de la faire circuler étaient nommés tesserarii.

26

La contagion gagna jusqu’aux esprits des légions et des auxiliaires, émus déjà par la nouvelle que l’armée de Germanie n’était pas ferme dans le devoir. La sédition était si bien concertée entre les méchants, et les plus fidèles lui laissaient un si libre cours, que le quatorze janvier, comme Othon revenait d’un souper, ils l’auraient entraîné au camp, s’ils n’eussent craint les erreurs de la nuit, la distance des quartiers militaires épars dans toute la ville, la difficulté de s’entendre au milieu de l’ivresse. Ce n’est pas qu’ils eussent aucun souci de la république, puisqu’ils se préparaient de sang-froid à la souiller du meurtre de son chef ; mais ils voulaient éviter que le premier qui serait offert aux soldats du Rhin ou de Pannonie ne fût, dans les ténèbres, proclamé pour Othon, que la plupart ne connaissaient pas. Beaucoup de signes qui trahissaient la conjuration furent étouffés par les complices ; et si quelques bruits parvinrent aux oreilles de Galba, l’impression