Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/449

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fussent restés dans le cœur d’Othon. Avait-il pardonné l’injure ou différé la vengeance ? la brièveté de son règne n’a pas permis de le savoir. Othon s’avance au travers du Forum encore ensanglanté et des cadavres gisants sur la poussière. Porté au Capitole et de là au palais, il permit qu’on enlevât les corps et qu’ils fussent mis au bûcher. Pison fut enseveli par sa femme Vérania et Scribonianus son frère ; Vinius, par sa fille Crispina. Il fallut chercher et acheter leurs têtes, que les meurtriers avaient gardées pour les vendre.

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Pison achevait la trente et unième année d’une vie dont la renommée est plus à envier que la fortune. Deux de ses frères avaient péri, Magnus par la main de Claude, Crassus par celle de Néron. Lui-même longtemps exilé, quatre jours César, n’eut sur son frère aîné la préférence d’une adoption précipitée, que pour être tué le premier. Vinius vécut cinquante-sept ans avec des mœurs diverses. Son père était d’une famille honorée de la préture ; son aïeul maternel avait été proscrit sous les triumvirs. Ses premières armes, qu’il fit sous Calvisius Sabinus, le laissèrent déshonoré. La femme de ce chef, follement curieuse de voir l’intérieur du camp, s’y glissa de nuit en habit de soldat, et après avoir, avec la même indiscrétion, affronté les gardes et porté sur tous les détails du service des regards téméraires, elle osa se prostituer dans l’enceinte même des aigles, et Vinius fut accusé d’être son complice. L’empereur Caïus le fit charger de chaînes ; mais bientôt les temps changèrent, et Vinius, redevenu libre, parcourut sans obstacle la carrière des honneurs. Il eut, après sa préture, le commandement d’une légion, et s’y fit estimer. Dans la suite il fut entaché d’un opprobre fait pour des esclaves : on le soupçonna d’avoir volé une coupe d’or à la table de Claude ; et le lendemain Claude ordonna que, de tous les convives, le seul Vinius fût servi en vaisselle de terre. Proconsul de la Gaule narbonnaise, il la gouverna toutefois avec fermeté et désintéressement. Bientôt la faveur de Galba le précipita sans retour ; audacieux, rusé, entreprenant, et, selon qu’il tournait l’activité de son âme, portant dans le bien ou dans le mal une égale énergie. Le testament de Vinius demeura sans effet à cause de ses grandes richesses ; la pauvreté de Pison protégea ses dernières volontés.

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Le corps de Galba, longtemps abandonné, fut, dans la licence des ténèbres, le jouet de mille outrages. Enfin Argius, intendant de ce prince et l’un de ses anciens esclaves, lui