Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/458

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il le refusa même après la victoire. Un signe d’heureux augure apparut à Valens et à l’armée qu’il menait aux combats. Le jour même du départ, un aigle, planant doucement devant les bataillons en marche, semblait par son vol leur indiquer la route ; et tels furent pendant un long espace les cris de joie du soldat, telle la sécurité de l’intrépide oiseau, qu’on en tira le présage infaillible d’un grand et favorable succès.

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On passa chez les Trévires, comme chez des alliés, sans la moindre inquiétude. A Divodurum32, ville des Médiomatriques, malgré l’accueil le plus obligeant, une terreur subite emporta les courages, et l’on courut aux armes pour égorger un peuple innocent. Et ce n’était ni la soif de s’enrichir, ni le plaisir de piller, mais une fureur, une rage dont la cause était inconnue, et par là même le remède plus difficile. Sans les prières du général qui les calmèrent enfin, la ville était anéantie. Encore n’y eut-il pas moins de quatre mille hommes massacrés. Un tel effroi s’empara des Gaules, qu’à l’approche de l’armée les populations entières accouraient avec leurs magistrats pour demander grâce. On ne voyait que femmes et enfants prosternés sur la route ; et toutes les autres images qui désarment la colère d’un ennemi, ces peuples, qui n’étaient pas en guerre, les étalaient pour obtenir la paix.

32. Aujourd’hui Metz.

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La nouvelle de l’assassinat de Galba et de l’élévation d’Othon parvint à Valens dans le pays des Leuques33. Le soldat n’en conçut ni joie ni frayeur ; il ne rêvait que la guerre. Quant aux Gaulois, leur incertitude n’avait plus de motifs ; et, s’ils haïssaient également Vitellius et Othon, ils craignaient de plus Vitellius. La cité la plus voisine était celle des Lingons, dont on était sûr. Généreusement accueillie, l’armée lutta de bons procédés ; mais cette joie fut courte à cause de l’indiscipline des cohortes, séparées, comme je l’ai déjà dit, de la quatorzième légion, et dont Valens avait accru ses forces. De mutuelles invectives amenèrent entre les Bataves et les légionnaires une querelle qui partagea l’armée et serait devenue un combat sanglant, si Valens, par quelques châtiments, n’eût rappelé les Bataves à l’obéissance qu’ils avaient oubliée. On chercha en vain un prétexte de guerre avec les Éduens. Sommés