de l’empire, l’élite et l’honneur de toutes les provinces, non, c’est ce que n’oseraient pas même ces Germains que Vitellius soulève aujourd’hui contre nous. Et des enfants de l’Italie, une jeunesse vraiment romaine, demanderaient le sang et le massacre de ce corps glorieux dont la splendeur, illustrant notre cause, fait honte à l’obscure abjection du parti de Vitellius ! Ce rebelle a surpris quelques nations, il a une apparence d’armée ; mais le sénat est avec nous, et par cela même la république est de ce côté, de l’autre ses ennemis. Pensez-vous que cette reine des cités consiste dans un assemblage de toits et de maisons, dans un amas de pierres ? Ces ouvrages muets et inanimés périssent chaque jour, et chaque jour on les relève. L’éternité de l’empire, la paix de l’univers, mon salut et le vôtre, dépendent de la conservation du sénat. Institué sous les auspices des dieux par le père et le fondateur de Rome, il a dure florissant et immortel depuis les rois jusqu’aux Césars : transmettons-le à nos descendants tel que nous l’avons reçu de nos ancêtres. Car, si c’est de vos rangs que sortent les sénateurs, c’est du sénat que sortent les princes."
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Ce discours d’une autorité douce et réprimante à la fois, cette modération qui borna les sévérités au châtiment de deux coupables, furent reçus avec faveur, et calmèrent pour le moment des esprits que l’on ne pouvait contraindre. Rome cependant n’était pas redevenue tranquille : le bruit des armes en bannissait le repos, et l’on voyait partout l’image de la guerre. Les soldats réunis n’excitaient plus de tumulte public ; mais épars et déguisés, ils pénétraient dans les maisons, affectant un intérêt perfide pour ceux que leur noblesse, leur opulence, ou quelque éclatante distinction, avait exposés aux discours de la malignité. On crut même que des soldats de Vitellius s’étaient glissés dans Rome pour étudier l’esprit des différents partis. Aussi tout était plein de défiances, et le foyer domestique était à peine un asile contre la crainte. Mais c’est en public que la terreur était à son comble. A chaque nouvelle qu’apportait la renommée, on composait son esprit et son visage, de peur de laisser voir ou trop d’inquiétude si elle était fâcheuse, ou trop peu de joie si elle était bonne. Surtout dans les assemblées du sénat, rien de plus difficile que de ménager tellement sa conduite que le silence ne parût pas hostile et la liberté séditieuse. Quant à la flatterie, Othon, naguère homme privé et flatteur lui-même, en connaissait le mensonge. On retournait donc ses pensées, on les tourmentait de mille manières