Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/478

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un guerrier infatigable, toujours le premier dans les marches, choisissant lui-même les campements, opposant nuit et jour à l’ennemi ou sa prudence ou son bras, content de la plus vile nourriture, et dans ses vêtements et son extérieur se distinguant à peine du simple légionnaire, enfin, à l’avarice près, comparable aux capitaines de l’ancienne république. Mucien faisait voir des mœurs tout opposées. Un air de grandeur et d’opulence, un faste au-dessus de la condition privée, rehaussaient l’éclat de son rang. Plus adroit dans son langage, il excellait à disposer les ressorts et à préparer le succès des affaires civiles. Otez à chacun d’eux ses vices, et réunissez leurs vertus, de cet heureux mélange sortirait un prince accompli. Gouverneurs l’un de Syrie, l’autre de Judée, et divisés par la jalousie, effet de ce voisinage politique, ils se rapprochèrent à la mort de Néron et concertèrent leurs démarches. Ce fut d’abord par l’entremise de quelques amis ; ensuite Titus, le principal lien de leur foi mutuelle, fit céder à l’intérêt commun de fâcheuses rivalités : esprit conciliateur que la nature et l’art avaient doué de séductions irrésistibles pour Mucien lui-même ; quant aux tribuns, aux centurions, aux soldats, il attirait diversement les différents caractères : régularité, licence, vertus, plaisirs, tout en lui concourait à gagner les cœurs.

Dénombrement des forces romaines en Orient

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Avant le retour de Titus, les deux armées avaient prêté serment d’obéissance à Othon. De pareils ordres arrivent toujours avec rapidité, et les apprêts d’une guerre civile entraînent des lenteurs. C’était la première dont l’Orient longtemps soumis et paisible méditât le dessein. Jusqu’alors les plus formidables chocs de Romains contre Romains avaient commencé en Italie ou en Gaule avec les forces de l’Occident. Pompée, Cassius, Brutus et Antoine, que la guerre suivit au delà des mers, y eurent tous une fin malheureuse. La Syrie et la Judée connaissaient plus le nom des Césars que leur personne. Nul mouvement séditieux parmi les légions ; pour toute guerre, des menaces contre les Parthes, suivies de succès partagés ; dans les derniers troubles, une paix profonde, quoique tout le reste s’émut, et sous Galba, une invariable fidélité. Mais quand on sut que Vitellius et Othon recouraient à des armes sacrilèges pour s’arracher l’empire, le soldat frémit à l’idée de voir en d’autres mains les profits de la domination, et de n’avoir pour sa part que l’esclavage à subir, et il commença dès ce moment à compter ses forces. Sept légions