Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/488

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Quand il sut que Cécina repoussé marchait vers Crémone, il contint non sans peine sa légion, que l’ardeur de combattre emportait jusqu’à la révolte, et prit position à Bédriac. C’est un bourg situé entre Vérone et Crémone, et que le sang romain a flétri déjà deux fois d’une funeste célébrité7. Pendant ces mêmes jours, Martius Macer eut, non loin de Crémone, une affaire avantageuse. Cet officier, brave et entreprenant, embarque les gladiateurs et les jette brusquement sur l’autre rive du Pô. Les auxiliaires vitelliens prennent l’épouvante et s’enfuient à Crémone : ce qui résista fut taillé en pièces. Mais Macer arrêta l’impétuosité des vainqueurs, de peur que l’ennemi, renforcé de nouvelles troupes, ne fît changer la fortune. Sa prudence fut suspecte aux Othoniens, qui prêtaient de coupables motifs à toutes les actions de leurs chefs. Il n’était pas un misérable au cœur lâche, à la bouche insolente, qui n’imputât crime sur crime à Gallus, à Suétonius, à Celsus ; car ces deux derniers avaient aussi reçu des commandements. Les plus ardents à souffler la discorde et la sédition étaient les meurtriers de Galba. Livrés au délire du crime et de la terreur, ils semaient le désordre, tantôt par des cris de révolte, tantôt par des lettres secrètes à Othon. Et celui-ci, crédule pour le dernier des soldats, défiant avec les honnêtes gens, était sans cesse en alarmes : inquiet au milieu des succès, et soutenant mieux la mauvaise fortune que la bonne. Il appela de Home son frère Titianus et lui remit la conduite de la guerre. Dans l’intervalle, l’armée eut sous les ordres de Suétonius et de Celsus de brillants avantages.

7. La première bataille de Bédriac est racontée dans la suite de ce livre. Vitellius y gagna l’empire ; il le perdit à la seconde, qui sera décrite au livre suivant.

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Cécina se tourmentait de voir échouer toutes ses entreprises, et la réputation de son armée périr de jour en jour. Repoussé de Plaisance, battu dans ses auxiliaires, faible jusque dans les rencontres d’éclaireurs (combats plus fréquents que dignes d’être rapportés) il voyait approcher Valens avec la crainte que tout l’honneur de la guerre n’allât à ce nouveau chef. Il voulut promptement ressaisir sa gloire, et mit à ce projet plus d’ardeur que de prudence. A douze milles de Crémone est un lieu nommé les Castors. C’est là que, dans les bois qui dominent la route, il cache les plus intrépides de ses auxiliaires. La cavalerie eut ordre de se porter en avant, d’engager