Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/493

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

soldats de Bretagne éloignés ; que les forces n’abondaient pas en Espagne ; que l’invasion de la flotte et un combat malheureux avaient consterné la province narbonnaise ; que l’Italie transpadane était fermée par les Alpes, sans ressources du côté de la mer, ravagée enfin par le seul passage des troupes ; que nulle part on n’y trouverait de vivres, et que sans vivres une armée se dissipait bientôt ; qu’à l’égard des Germains, portion la plus effrayante des forces ennemies, il suffirait d’atteindre l’été pour voir leurs corps affaissés succomber au changement de sol et de climat ; que plus d’une guerre dont le premier choc eût été redoutable s’était évanouie à travers les lenteurs et les retardements." A ce tableau il opposait la cause d’Othon, "partout florissante et sûre de ses appuis : la Pannonie, la Mésie, la Dalmatie, l’Orient, étaient à eux avec l’intégrité de leurs forces ; ils avaient l’Italie, et Rome, la tête de l’empire ; le sénat et le peuple, noms dont l’éclat ne périrait jamais, dût-il être éclipsé quelquefois ; d’immenses richesses soit publiques soit privées, et l’argent plus puissant que le fer dans les discordes civiles ; enfin des soldats acclimatés en Italie ou faits à la chaleur, le fleuve du Pô pour les couvrir, des villes bien défendues et bien fortifiées, dont pas une ne céderait à l’ennemi, comme le prouvait assez l’exemple de Plaisance. Il fallait donc faire durer la guerre : dans peu de jours, la quatorzième légion arriverait avec les troupes de Mésie et tout l’ascendant de sa renommée ; alors on tiendrait un nouveau conseil, et, si le combat était résolu, on combattrait avec des forces plus nombreuses."

33

Celsus partageait l’opinion de Suétonius. On envoya prendre l’avis de Gallus, malade depuis quelques jours d’une chute de cheval, et sa réponse fut la même. Othon penchait pour le combat. Son frère Titianus et le préfet du prétoire Proculus, impatients par ignorance, protestaient que la fortune, les dieux et le génie d’Othon présidaient à ses conseils, prendraient part à ses efforts ; et, pour échapper aux contradicteurs, ils se réfugiaient dans la flatterie. Quand la bataille fut résolue, on délibéra si l’empereur devait y assister ou se tenir à l’écart. Suétonius et Celsus ne voulurent pas qu’il leur fût reproché de mettre en péril la vie du prince ; ils se turent, et ceux qui avaient déjà fait prévaloir le plus mauvais conseil décidèrent Othon à se rendre à Brixellum10, où, sans craindre