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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/497

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avec ses seules armes et de les attaquer, après avoir lui-même fait à peine quatre milles, pendant le désordre de la marche ou quand ils seraient dispersés pour travailler aux retranchements. Titianus et Proculus, vaincus par le raisonnement en appelaient à l’autorité. Il est vrai qu’un Numide venait d’arriver à toute bride avec un message impérieux où Othon, accusant la paresse de ses généraux, leur ordonnait d’engager une action décisive. Attendre lui était un supplice ; espérer, un état insupportable.

41

Le même jour, pendant que Cécina surveillait les travaux du pont, deux tribuns des cohortes prétoriennes se présentent et lui demandent un entretien. Il se préparait à entendre leurs conditions et à proposer les siennes, quand des éclaireurs accourent à pas précipités et annoncent l’ennemi. Le discours des tribuns fut interrompu, et il resta douteux si c’était une ruse de guerre, un projet de défection, ou quelque louable dessein qui les avait amenés. Cécina congédie les tribuns, retourne au camp, et trouve le signal du combat donné par Valens et le soldat sous les armes. Pendant qu’on tire au sort le rang de chaque légion, la cavalerie s’élance en avant ; et, chose étonnante, une poignée d’Othoniens la rejetait sur les palissades, si le courage de la légion italique n’eût arrêté sa fuite : ces braves la reçoivent à la pointe de l’épée, lui font faire volte-face, et la contraignent de retourner à la charge. Les légions vitelliennes firent leurs dispositions sans aucun désordre : l’ennemi était tout près ; mais des bosquets touffus dérobaient la vue de ses armes. Chez les Othoniens, les chefs étaient déconcertés, les soldats animés contre les chefs, les chariots et les vivandiers mêlés avec les troupes ; enfin la route, bordée de deux tranchées profondes, était trop étroite même pour une marche paisible. Les uns environnent leurs drapeaux, d’autres les cherchent. Ce ne sont de toutes parts que clameurs confuses de gens qui accourent ou s’appellent ; chacun, suivant son audace ou sa frayeur, se précipite aux premiers rangs ou recule aux derniers.

42

A cet étourdissement d’une terreur soudaine succéda une fausse joie qui alanguit les courages : un bruit se répand que l’armée de Vitellius vient de l’abandonner. Ce mensonge fut-il imaginé par les espions de Vitellius ? fut-il l’œuvre de la perfidie ou du hasard chez les Othoniens eux-mêmes ? on l’ignore ; mais, leur feu s’éteignant tout à coup, ils se mettent à saluer l’ennemi, qui répond par un cri de guerre. La plupart