Aller au contenu

Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/528

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ordonne à Valens et à Cécina de se tenir prêts pour la guerre. Cécina fut envoyé en avant ; Valens, qui relevait d’une grande maladie, était retenu par sa faiblesse. L’armée de Germanie, à son départ de Rome, offrait un aspect que l’œil eût méconnu : des corps sans vigueur, des âmes sans énergie ; une marche lente et éparpillée, des armes tombantes, des chevaux sans feu, des soldats impatients du soleil, de la poussière, des intempéries de l’air, et aussi ardents pour la discorde que mous à la fatigue. Il faut ajouter l’ancienne indulgence et l’engourdissement actuel de Cécina. Les caresses de la fortune l’avaient jeté dans une lâche indolence ; ou peut-être, méditant une trahison, entrait-il dans son plan d’énerver le courage de l’armée. Plusieurs ont cru que c’étaient les conseils de Flavius Sabinus qui avaient ébranlé la fidélité de ce général. Organe de cette négociation, Rubrius Gallus lui assurait, dit-on, que les conditions en seraient maintenues par Vespasien ; il réveillait en même temps sa haine et sa jalousie contre Valens, et l’exhortait à chercher auprès d’un nouveau prince la faveur et la puissance dont il n’avait que la seconde part auprès de Vitellius.

100

Cécina reçut les embrassements de l’empereur, et partit comblé de distinctions. Il envoya une partie des cavaliers occuper Crémone. A leur suite marchèrent les vexillaires de la quatorzième et de la seizième légion, puis la cinquième et la dix-huitième, enfin la vingt et unième Rapax, et la première italique avec les vexillaires des trois légions de Bretagne, et des auxiliaires choisis. Après le départ de Cécina, Valens écrivit aux troupes qui avaient primitivement composé son armée, "de l’attendre en chemin ; que la chose était convenue avec son collègue." Celui-ci, abusant de l’avantage que lui donnait sa présence, feignit un changement de résolution, dont le but était, selon lui, d’opposer au premier choc de la guerre une masse plus imposante. Les légions eurent ordre de presser leur marche, une partie pour Crémone, l’autre pour Hostilie. Lui-même se rendit à Ravenne, sous prétexte de s’entendre avec la flotte. Bientôt, accompagné de Lucilius Bassus, il alla cacher à Padoue les apprêts de sa trahison. Bassus, simple préfet de cavalerie, avait reçu de Vitellius le commandement des deux flottes de Ravenne et de Misène : irrité de n’avoir pas obtenu sur-le-champ la préfecture du prétoire, il cherchait dans une honteuse perfidie une injuste vengeance. On ne peut savoir si ce fut lui qui entraîna Cécina, ou si, par une de ces