Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/542

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Au lieu de se reposer à Crémone, comme la raison le voulait, d’y réparer ses forces par la nourriture et le sommeil, et d’écraser le lendemain un ennemi glacé de froid, épuisé de besoin, l’armée vitellienne, privée de chef et dépourvue de conseil, alla vers la troisième heure de la nuit se heurter contre les Flaviens, qui l’attendaient en bon ordre. Quelle fut la disposition de cette armée, dans la double confusion de la colère et des ténèbres, je ne puis le dire avec certitude. On rapporte que la quatrième Macédonique était à l’aile droite ; la cinquième et la quinzième, avec les vexillaires des trois légions de Bretagne (la neuvième, la seconde et la vingtième), au centre ; enfin la seizième, la dix-huitième et la première à l’aile gauche. Les soldats de la Ravissante et de l’Italique s’étaient mêlés dans tous les manipules. La cavalerie et les corps auxiliaires se placèrent où ils voulurent. Le combat fut, toute la nuit, divers, incertain, sanglant, funeste à un parti, puis à l’autre ; ni le courage, ni les bras, ni les yeux, qui du moins avertissent du péril, n’étaient d’aucun secours. Mêmes armes des deux côtés. Le mot d’ordre, demandé mille fois, était connu de tout le monde : les drapeaux se croisaient à l’aventure, arrachés, emportés à l’envi par des gros de combattants. La septième légion, récemment formée par Galba, était la plus vivement pressée. Six des principaux centurions périrent, plusieurs étendards furent pris ; l’aigle même était perdue, si le primipilaire Atilius Vérus ne l’eût sauvée en faisant un grand carnage des ennemis et en mourant à son tour.

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Pour raffermir ses lignes ébranlées, Antonius fit avancer les prétoriens. Arrivés en présence, ils repoussent l’ennemi, puis en sont repoussés. Les Vitelliens avaient réuni toutes leurs machines sur le milieu de la route, afin qu’elles battissent librement et à découvert ; car auparavant leurs coups dispersés allaient se briser contre les arbres, sans nuire à l’ennemi. Une baliste d’une grandeur extraordinaire, appartenant à la quinzième légion, écrasait les Flaviens avec d’énormes pierres. Elle eût fait dans leurs rangs un vaste carnage, sans l’action mémorable qu’osèrent deux soldats. Ils ramassent les boucliers sur le champ de bataille et vont, sans ê