Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/549

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dehors et aux mariages entre les colons et leurs voisins, la ville s’accrut et prospéra, épargnée par les armes étrangères, malheureuse dans les guerres civiles. Antonius, honteux de l’attentat commis et voyant éclater de plus en plus l’indignation publique, défendit qu’on retint captif aucun des Crémonais. Déjà l’opinion de l’Italie avait avili ce butin dans la main des soldats : on refusait d’acheter de tels esclaves. Ils se mirent à les tuer, et alors leurs parents et leurs alliés les rachetèrent secrètement. Bientôt ce qui restait de la population revint à Crémone. Les places furent reconstruites, les temples relevés par la générosité des habitants du pays. Vespasien d’ailleurs encourageait ces efforts.

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Au reste, la terre, infectée d’un sang corrompu, ne permit pas aux vainqueurs de s’arrêter longtemps sur ce tombeau d’une ville en cendres. S’étant avancés à trois milles de distance, ils recueillirent les Vitelliens épars et tremblants, et les rangèrent chacun sous ses enseignes. Comme la guerre ci vile durait encore et rendait douteuse la foi des légions vaincues, elles furent dispersées dans les provinces illyriques. On remit à des courriers et à la renommée le soin d’annoncer la victoire en Bretagne et en Espagne. On envoya dans les Gaules le tribun Julius Calénus, et en Germanie Alpinus Montanus, préfet de cohorte. Montanus étant Trévire, Calénus Éduen, et tous deux du parti vaincu, on les montrait pour frapper les esprits. En même temps on occupa les passages des Alpes, par précaution contre la Germanie, qu’on soupçonnait d’armer pour Vitellius.

À Rome, Vitellius continue sa vie fastueuse

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Cependant, lorsque Cécina fut parti pour la guerre, Vitellius content d’y avoir, au bout de quelques jours, poussé Valens après lui, couvrait ses embarras du faste de ses plaisirs : il ne songe ni à préparer des armes, ni à fortifier le soldat par l’exercice et les exhortations, ni à se montrer aux yeux du peuple. Caché sous les ombrages de ses jardins, semblable à ces animaux paresseux qui demeurent couchés et engourdis tant qu’on leur fournit de la pâture, il avait également banni de sa pensée le présent, le passé, l’avenir. Il languissait, oisif et indolent, dans les bosquets d’Aride, quand la trahison de Bassus et la défection de la flotte de Ravenne étonnèrent sa stupeur. Peu de temps après arrivèrent du camp de Cécina