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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/558

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traits, et d’autres puisés dans l’histoire, nous fourniront à l’occasion, comme exemple du bien ou consolation du mal, d’utiles rapprochements.

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Antonius et les chefs du parti résolurent d’envoyer la cavalerie en avant pour reconnaître toute l’Ombrie, et chercher dans les Apennins quelque pente plus accessible que le reste. On convint encore de faire venir les aigles, les étendards et tout ce qu’il y avait de soldats à Vérone, enfin de couvrir le Pô et la mer de convois. Quelques chefs faisaient naître des obstacles : les prétentions d’Antonius leur pesaient déjà, et d’ailleurs ils espéraient de Mucien des avantages plus certains. Mucien de son côté, jaloux d’une victoire si rapide, et croyant, s’il n’était présent à la prise de Rome, que sa part de gloire lui échappait avec la guerre, écrivait à Primus et à Varus en termes équivoques, passant tour à tour du besoin de pousser vivement l’entreprise à l’utilité d’une sage lenteur, et calculant ses paroles de manière à pouvoir, selon l’événement, répudier les revers, accepter les succès. Il s’expliqua plus franchement avec Plotius Griphus, que Vespasien venait de créer sénateur et chef d’une légion, et avec les plus sûrs de ses amis. Aussi toutes leurs réponses peignirent-elles la célérité d’Antonius et de Varus sous des couleurs fâcheuses et qui flattaient la passion de Mucien. Envoyées à Vespasien, ces lettres empêchèrent les conseils et les actions d’Antonius d’être estimés au prix qu’y mettait son espérance.

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Il en fut indigné et s’en prit à Mucien, dont les imputations avaient déprécié ses périls. Et il ne ménageait pas ses paroles, incapable de modérer sa langue et peu accoutumé aux déférences. Il écrivit à Vespasien avec plus de jactance qu’on n’écrit à un prince, et sans épargner contre Mucien les attaques détournées : "C’était lui Antonius qui avait armé les légions pannoniennes ; lui qui avait éveillé le zèle des commandants de Mésie ; lui dont l’audace avait ouvert les Alpes, envahi l’Italie, fermé le passage aux Rhètes et aux Germains. Si la cavalerie avait fondu comme la tempête sur les légions éparses et mal unies de Vitellius, si l’infanterie avait continué de les battre tout le jour et la nuit suivante, ce beau fait d’armes était son ouvrage. Quant au malheur de Crémone, il le fallait imputer à la guerre ; les anciennes discordes des citoyens avaient coûté plus cher à la république et ruiné plus de villes. Ce n’était point par des messages et des lettres, mais de son bras et de ses armes qu’il servait son empereur. Non