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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/58

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province, menacée par les Suèves ; on voulait, au fond, les arracher d’un camp où la violence du remède, autant que le souvenir du crime, entretenait de sinistres pensées. On fit ensuite la revue des centurions : chacun d’eux, appelé par le général, déclarait son nom, sa centurie, son pays, ses années de service, ses faits d’armes et les récompenses militaires qu’il pouvait avoir reçues. Ceux dont les tribuns et la légion attestaient le mérite et la probité conservaient leur grade. Tout centurion qu’une voix unanime accusait de cruauté ou d’avarice était renvoyé de l’armée.

XLV. Le calme rétabli de ce côté, restait un autre péril, aussi grand que le premier, dans l’obstination de la cinquième et de la vingt et unième légions, en quartier d’hiver à soixante milles de distance, au lieu nommé Vétéra. C’était par elles qu’avait commencé la révolte, par leurs mains qu’avaient été commis les plus coupables excès. Ni l’effrayante punition ni le mémorable repentir de leurs compagnons ne désarmaient leur colère. Germanicus se prépare donc à descendre le Rhin avec une flotte chargée d’armes et de troupes alliées, résolu, si l’on bravait son autorité, de recourir à la force.

XLVI. À Rome, on ne savait pas encore l’issue des troubles d’Illyrie, quand on en apprit le soulèvement des légions germaniques. La ville alarmée se plaint hautement de ce que « Tibère s’amuse à jouer par ses feintes irrésolutions un peuple sans armes et un sénat sans pouvoir, tandis que le soldat se révolte, et certes ne sera pas réduit à l’obéissance par la jeune autorité de deux enfants. Ne devait-il pas se montrer lui-même, et opposer la majesté impériale à des rebelles dont la fureur tomberait devant un prince fort de sa longue expérience et arbitre souverain des châtiments et des grâces ? Auguste, chargé d’années, avait tant de fois visité la Germanie, et Tibère, dans la vigueur de l’âge, ne savait que rester au sénat pour y tourner en crime les paroles des sénateurs ! On n’avait que trop pourvu à l’esclavage de Rome ; c’était l’esprit des soldats qu’il s’agissait de calmer, afin de leur apprendre à supporter la paix. »

XLVII. Peu touché de ces murmures, Tibère fut inébranlable dans la résolution de ne point quitter la capitale de l’empire, et de ne pas mettre au hasard le sort de la République et le sien. Il était combattu de mille pensées diverses. « L’armée de Germanie était plus puissante, celle de Pannonie plus voisine ; la première s’appuyait sur toutes les forces de la Gaule,