Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/593

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Rufus renforçaient les palissades et les murailles. Des constructions, ouvrage d’une longue paix, formaient près du camp une espèce de ville ; on les rasa, de peur qu’elles ne servissent à l’ennemi. Mais le camp fut mal pourvu de vivres ; au lieu d’approvisionnements réguliers, on permit le pillage : aussi la licence dévora en peu de jours ce qui eût suffi aux nécessités d’un long siège. Civilis occupait le centre de l’armée ennemie avec sa robuste infanterie batave ; et, pour ajouter à la terreur du coup d’œil il avait couvert les deux rives du Rhin de bandes germaniques, tandis que sa cavalerie voltigeait dans la plaine, et que sa flotte s’avançait en remontant le fleuve. D’un côté les étendards de ces cohortes vieillies dans nos camps, de l’autre les sauvages représentations d’animaux, que ces peuples tirent de leurs forêts ou de leurs bois sacrés pour aller au combat, présentaient un mélange de guerre étrangère et civile, qui frappait les assiégés de stupeur. L’espoir des assiégeants était augmenté par l’étendue des retranchements, tracés pour deux légions, et défendus à peine par cinq mille Romains armés. Il est vrai qu’une multitude de vivandiers s’y était rassemblée à la première alarme et partageait le service.

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Une partie du camp s’élevait en pente douce, l’autre était au niveau de la plaine. Auguste avait cru que ce poste tiendrait la Germanie assiégée et immobile ; il n’avait pas prévu des temps assez malheureux pour que les barbares vinssent eux-mêmes assaillir nos légions. Aussi ne fit-on rien pour ajouter à la force de la position ni des lignes ; on se reposait sur le courage et les armes. Les Bataves et les guerriers d’outre-Rhin, jaloux de signaler séparément leur vaillance, afin qu’elle brillât dans un plus grand jour, se rangent par nations et attaquent de loin. Mais la plupart de leurs traits s’attachaient en pure perte aux tours et aux créneaux, et des pierres roulées d’en haut les écrasaient eux-mêmes. Alors d’un cri et d’un élan, ils assaillent le rempart, les uns avec des échelles, les autres en montant sur la tortue de leurs camarades. Déjà plusieurs atteignaient le sommet, lorsque, repoussés à coups d’épée et de bouclier, ils retombent et sont accablés de traits et de javelots ; sanglante issue d’une fougue immodérée, rendue plus téméraire par la bonne fortune. Mais ici l’amour du butin leur faisait supporter la mauvaise. Ils essayèrent tout, jusqu’à l’emploi nouveau pour eux des machines. Ces barbares n’ont aucune industrie : les transfuges et