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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/597

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parce qu’étant d’origine germanique ils avaient abjuré leur patrie et reçu le nom romain d’Agrippiniens ; leurs cohortes furent taillées en pièces au village de Marcodurum18, où elles se gardaient avec peu de soin, comme éloignées du fleuve. Ce revers n’empêcha pas les Ubiens d’aller à leur tour piller les Germains, et d’abord ce fut impunément ; mais ils finirent par être enveloppés, et en général ils furent, dans toute cette guerre, moins heureux que fidèles. Les Ubiens écrasés, Civilis pressait, avec la force et la confiance d’un vainqueur, le siège de Vétéra, redoublant de vigilance pour empêcher tout avis secret d’y pénétrer et d’annoncer qu’il venait des secours. Il confie aux Bataves le service des machines et la construction des ouvrages : les Germains demandaient le combat ; il les envoie arracher les palissades ; repoussés, il leur ordonne de retourner à la charge ; leur nombre inépuisable rendait les sacrifices faciles. La nuit ne mit pas fin à cette lutte.

17. Les Ménapiens paraissent avoir habité successivement divers cantons, depuis le Rhin jusqu’aux frontières des Morins ; ceux-ci occupaient le territoire on sont aujourd’hui Saint-Omer, Boulogne et Ypres. Le nom de Morini leur vient de leur situation le long de la mer.
18. Ce lieu est Duren sur la Roer, au-dessus de Juliers.

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Les barbares ayant allumé de grands feux se mettent à manger à l’entour, et, à mesure que le vin les échauffe, ils courent à l’assaut avec un téméraire et vain emportement. Leurs coups s’égaraient parmi les ténèbres ; ceux des Romains allaient chercher, dans ces bandes éclairées parla flamme, les hommes que signalaient le plus leur audace ou l’éclat de leur parure guerrière. Civilis s’en aperçut : il fit éteindre les feux et ajouta les horreurs de la nuit aux horreurs des combats. Ce ne furent alors que bruits discordants, chances inattendues : on ne voit ni à diriger, ni à parer les traits. Un cri arrive-t-il d’un côté ? c’est par là qu’on se tourne, c’est là que visent tous les arcs. Le courage est une arme inutile ; le sort a tout confondu, et le plus brave périt souvent par la main du plus lâche, Les Germains obéissaient à une aveugle fureur : le Romain, plus expérimenté, lançait des pieux ferrés, d’énormes pierres, et ne les jetait pas au hasard : le bruit l’avertissait quand on sapait les murailles ; ou si des échelles dressées amenaient l’ennemi sous sa main, il le renversait avec son bouclier, le suivait de sa javeline. Plusieurs, déjà sur les retranchements, furent percés à coups de poignard. La nuit ainsi écoulée, le jour ouvrit une nouvelle scène de combats.

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