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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/596

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marcher à l’ennemi, ces deux chefs campèrent au lien nommé Gelduba15 : là, ils exerçaient les troupes à se ranger en bataille, à retrancher et palissader un camp, à faire tous les travaux qui sont l’apprentissage de la guerre et fortifient le soldat. Pour animer leur courage par l’attrait du butin, Vocula conduisit une partie de l’armée sur les terres des Gugernes16, nation voisine, qui avait embrassé la cause de Civilis : l’autre partie resta avec Gallus.

14. Aujourd’hui Nuyss, ou Neuss, pris de Düsseldorf.
15. Aujourd’hui Gelb, sur les bords du Rhin.
16. Reste de la grande nation des Sicambres, qu’Auguste établit en deçà du Rhin ; ils s’étendaient le long du fleuve, entre les Ubiens et les Bataves.

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Un navire chargé de grains s’étant par hasard engravé non loin du camp, les Germains le tiraient de leur côté. Gallus ne put le souffrir : il envoie une cohorte au secours ; mais les Germains arrivent plus nombreux, et, les forces grossissant de part et d’autre, on en vint à un combat en forme. Les ennemis, après un grand carnage des nôtres, entraînèrent le vaisseau. Les vaincus (c’était alors un usage reçu) s’en prirent non à leur propre lâcheté, mais à la perfidie du général ; ils l’arrachent de sa tente, déchirent ses vêtements, l’accablent de coups, lui ordonnent de déclarer ses complices et ce qu’il a reçu pour trahir l’armée. Leur haine contre Hordéonius se réveille ; c’est à lui qu’ils imputent le crime dont Gallus est l’instrument. Celui-ci, menacé de la mort, cède à la terreur et accuse lui-même Hordéonius de trahison ; mis aux fers, il n’en sortit qu’à l’arrivée de Vocula. Le lendemain, Vocula fit mourir les auteurs de la révolte : étrange contraste d’une licence effrénée et d’une soumission passive ! Dans cette armée, le simple soldat était dévoué sans réserve à Vitellius ; les principaux officiers penchaient pour Vespasien : de là cette alternative de crimes et de supplices, ce mélange de fureurs et d’obéissance. On ne pouvait contenir les soldats, on pouvait les punir.

28

Cependant Civilis prenait d’immenses accroissements, appuyé de la Germanie entière, dont l’alliance lui était garantie par les plus nobles otages. Il fait ravages le pays des Ubiens et des Trévires par les bandes les plus voisines, pendant que d’autres passent la Meuse et vont désoler les Ménapiens, les Morins17 et toute la frontière des Gaules. On fit du butin sur ces deux points ; les Ubiens furent les plus maltraités,