Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/620

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patrie germanique et au nom de vos pères, nous en rendons grâces à nos dieux communs et au dieu Mars avant tous les autres, et nous vous félicitons de ce qu’enfin vous serez libres au milieu d’hommes libres. Jusqu’à ce jour, les Romains nous fermaient les fleuves, la terre, je dirai presque le ciel même, afin d’empêcher nos communications et nos entretiens ; ou (ce qui est un outrage plus sensible à des hommes nés pour les armes) ce n’était que désarmés, presque nus, sous l’œil d’un surveillant et à prix d’or, qu’il nous était permis de nous réunir. Mais, pour que notre amitié et notre alliance soient durables à jamais, nous exigeons que vous abattiez ces murailles, boulevard de la servitude ; l’animal même le plus féroce, longtemps enfermé, oublie son courage. Massacrez tout ce qu’il y a de Romains sur votre territoire : la liberté et des maîtres ne s’allient pas facilement ensemble. Eux tués, que leurs biens soient mis en commun, afin que personne n’en puisse recéler aucune partie, ni séparer sa cause de la cause publique. Qu’il soit permis et à nous et à vous d’habiter, comme faisaient nos ancêtres, sur l’une ou l’autre rive : si la nature a donné la lumière et le jour à tous les hommes, elle a ouvert aux braves toutes les terres. Reprenez les usages et les mœurs de vos aïeux ; rompez avec ces plaisirs qui secondent plus puissamment que les armes la domination romaine. Alors, peuple épuré et régénéré, oubliant les jours de l’esclavage, vous n’aurez autour de vous que des égaux, peut-être des sujets."

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La crainte de l’avenir ne permettait pas aux Agrippiniens d’accepter ces conditions, ni leur fortune présente de les repousser ouvertement. Après avoir pris le temps de se consulter, ils répondirent ainsi : "La première occasion d’affranchissement qui s’est présentée, nous l’avons saisie avec plus d’ardeur que de prudence, afin de nous réunir à vous et aux autres Germains nos frères. Quant aux murailles de la ville, au moment où se rassemblent tant d’armées romaines, il serait plus sûr pour nous de les renforcer que de les abattre. Si quelques étrangers, venus de l’Italie ou des provinces, se trouvaient sur notre territoire, la guerre les a dévorés, ou ils se sont réfugiés chacun chez eux. Il en est d’autres, anciennement établis et mêlés avec nous par des mariages : pour ceux-là et ceux qui en sont nés, c’est ici leur patrie ; et nous vous croyons trop justes pour exiger que nous égorgions nos pères, nos frères, nos enfants. Nous supprimons les taxes et les charges qui pèsent sur le commerce. La circulation sera libre ;