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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/619

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que ces soins les occupaient, arriva l’heure du départ, plus triste que l’attente. Dans l’intérieur du camp, l’humiliation de leur état frappait moins les regards : la plaine et le grand jour en étalèrent toute l’ignominie. Les images des empereurs étaient arrachées ; les enseignes déparées contrastaient avec les étendards gaulois resplendissant de toutes parts ; la marche silencieuse semblait un long et funèbre convoi. En tête s’avançait Claudius Sanctus, borgne, d’une physionomie affreuse, d’un esprit stupide. L’opprobre s’accrut de moitié, quand une autre légion, désertant le camp de Bonn, se fut mêlée à ce cortège. Au premier bruit que nos légions sont prisonnières, une multitude, qui tremblait naguère au seul nom des Romains, accourt à grands flots des champs et des villages, et jouit insolemment d’un spectacle si nouveau. Les cavaliers picentins33 ne purent souffrir la joie insultante de cette populace : sans écouter ni les menaces ni les promesses de Sanctus, ils regagnent Mayence. Le hasard ayant offert à leur rencontre Longinus, assassin de Vocula, ils l’accablèrent de traits et préludèrent ainsi à la future expiation de leur faute. Les légions, sans changer de route, allèrent camper sous les murs de Trèves.

33. Les Picentini habitaient au sud de la Campanie, sur la mer tyrrhénienne ; leur capitale était Salerne.

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Civilis et Classicus, dans l’ivresse du succès, délibérèrent s’ils n’abandonneraient pas Cologne en proie à leurs armées. La cruauté de leur âme et l’amour du butin les entraînaient à saccager cette colonie : l’intérêt de la guerre s’y opposait ; ils savaient d’ailleurs combien importe la réputation de clémence à qui fonde un empire. La reconnaissance contribua même à fléchir Civilis, dont le fils, surpris à Cologne par les premiers troubles, y avait trouvé une captivité honorable. Mais les nations transrhénanes haïssaient mortellement cette cité, à cause de son opulence et de ses accroissements. Elles ne voyaient de fin à la guerre que quand tous les Germains sans distinction pourraient s’y établir, ou que, par la destruction de la ville, les Ubiens seraient dispersés comme les autres.

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Les Tenctères, nation séparée de la colonie par le Rhin, envoyèrent des députés au conseil public des Agrippiniens, avec des instructions que le plus violent d’entre eux exposa de cette manière : "Puisque vous êtes revenus à la