Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/622

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et fidèle à notre empire, une multitude nombreuse et indisciplinée de ses compatriotes. Les Séquanes ne refusèrent pas le combat, et la victoire se déclara pour la bonne cause : les Lingons furent défaits. Sabinus, si prompt à engager une lutte téméraire, ne le fut pas moins à s’enfuir de la mêlée. Pour répandre le bruit de sa mort, il mit le feu à la maison où il s’était réfugié ; on crut qu’il y avait volontairement terminé ses jours. Toutefois, il vécut encore neuf ans ; je dirai plus tard par quels moyens, dans quel asile, et je rendrai le compte que je dois de la constance de ses amis et de l’héroïque dévouement d’Epponine sa femme. La victoire des Séquanes arrêta le torrent de la guerre ; les cités revinrent peu à peu à elles-mêmes et se rappelèrent la foi et les traités. Ce retour commença par les Rémois, qui publièrent dans toutes les Gaules l’invitation d’envoyer des députés pour délibérer en commun sur ce qu’il fallait préférer de l’indépendance ou de la paix.

36. Ces monuments étaient les tables publiques ou les colonnes sur lesquelles se gravaient les traités.
37. Les Séquanes habitaient le pays qui a été appelé depuis la Franche-Comté. Ils s’étendaient même davantage du côté de la Saône et du Rhin.

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A Rome, cependant, on ne voyait des événements que le côté sinistre, et Mucien tremblait que les plus habiles généraux (car déjà il avait choisi Annius Gallus et Pétilius Cérialis) ne soutinssent mal le fardeau de cette guerre. D’un autre côté, il ne pouvait laisser Rome sans chef, et les passions indomptées de Domitien lui faisaient peur. J’ai déjà parlé de sa défiance contre Antoine et Varus. Varus, à la tête des prétoriens, tenait dans sa main la force et les armes. Mucien lui ôta ce poste, et, pour ne pas le renvoyer sans dédommagement, il le fit préfet des vivres. Afin de gagner l’esprit de Domitien, qui n’était pas sans inclination pour Varus, il donna le commandement du prétoire à un homme très-aimé du jeune César, et qui tenait par alliance à la maison de Vespasien, Arrétinus Clémens. "Son père avait, disait-il, rempli cette charge avec honneur sous l’empereur Caïus, et les soldats retrouveraient avec plaisir un nom qu’ils connaissaient ; Clémens d’ailleurs, quoique de l’ordre sénatorial, suffisait à ce surcroît de devoirs." On prit pour l’expédition ce que Rome avait de plus illustre, sans compter les choix obtenus par la brigue. Domitien aussi et Mucien se disposaient au départ, animés d’un esprit bien différent : l’un impétueux de jeunesse et d’espérance, l’autre opposant à l’ardeur du premier délai sur délai, de peur que, s’il s’emparait une fois de l’armée ; la témérité de l’âge et les mauvais conseils ne l’entraînassent dans une route également funeste à la paix et à la guerre. Des légions victorieuses la sixième et la huitième, des vitelliennes