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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/628

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pour entretenir des armées contre les Bretons et les Germains ? car les Romains chassés (veuillent les dieux empêcher ce malheur), que verrait-on sur la terre, si ce n’est une guerre universelle ? Huit cents ans de fortune et de conduite ont élevé ce vaste édifice : qui l’ébranlerait serait écrasé de sa chute. Mais c’est pour vous que le péril est le plus grand, vous qui possédez de l’or et des richesses, principale source des guerres. Aimez donc la paix ; entourez de vos respects une ville dont, vainqueurs et vaincus, nous sommes également citoyens. Instruits par l’une et l’autre fortune, ne préférez pas une opiniâtreté qui vous perdrait à une obéissance qui vous sauve." Ils craignaient des rigueurs ; ce discours leur rendit le calme et la confiance.

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Trèves était occupée par l’armée victorieuse, lorsque Civilis et Classicus envoyèrent à Cérialis des lettres dont le sens était "que Vespasien, malgré le soin avec lequel on en cachait la nouvelle, avait cessé de vivre ; que Rome et l’Italie étaient dévorées par la guerre intestine ; que Mucien et Domitien n’étaient que de vains noms, sans force véritable ; que, si Cérialis voulait pour lui l’empire des Gaules, eux-mêmes se renfermeraient dans les limites de leurs cités ; que, s’il préférait le combat, ce parti ne leur convenait pas moins." Cérialis, sans répondre à Civilis et à Classicus, envoie à Domitien les lettres et le messager. Les ennemis, dont les troupes étaient divisées, arrivèrent de toutes parts. Plusieurs blâmaient Cérialis d’avoir souffert leur jonction quand il pouvait couper chaque corps séparément. L’armée romaine entoura son camp de fossés et de palissades, précaution qu’on avait négligé de prendre en s’y établissant. Chez les Germains, des opinions diverses partageaient les esprits.

76

Civilis voulait qu’on attendit les nations transrhénanes, "dont la seule vue, jetant l’effroi parmi les Romains, aiderait à les écraser. Les Gaulois étaient-ils autre chose que la proie de qui serait vainqueur ? et encore, ce qu’il y avait de plus fort dans le pays, les Belges, il avait pour lui ou leurs bras ou leurs vœux." Tutor soutenait "que tout délai servait les Romains, dont les armées se rassemblaient de toutes parts. Une légion de Bretagne avait repassé la mer ; on en faisait venir d’Espagne ; il en arrivait d’Italie : et ce n’étaient pas des soldats d’un jour, mais de vieux guerriers dont les preuves étaient faites. Quant à ces Germains en qui l’on espérait, nul moyen de leur donner des ordres, de régler leurs démarches ;