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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/633

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de distance. Alors il ne douta plus que la vision ne fût surnaturelle, et le nom de Basilide50 lui tint lieu d’oracle.

50. Basilides vient du grec basileus, roi.

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L’origine du dieu n’a pas encore été racontée par nos auteurs. Voici ce qu’en rapportent les prêtres d’Égypte. Pendant que Ptolémée, le premier des rois macédoniens qui affermit la puissance égyptienne, donnait à la nouvelle ville d’Alexandrie des murailles, des temples et un culte, il vit en songe un jeune homme d’une beauté merveilleuse et d’une taille plus qu’humaine, qui l’avertit d’envoyer dans le Pont les plus sûrs de ses amis y chercher sa statue : "Elle apporterait le bonheur à ses États, et grande et glorieuse serait la demeure qui recevrait cette image." En même temps le jeune homme s’éleva vers le ciel dans un tourbillon de flammes. Ptolémée, frappé de ce présage miraculeux, s’adresse aux prêtres égyptiens en possession d’interpréter ces prodiges, et leur expose sa vision nocturne. Comme ceux-ci connaissent peu le Pont et les pays étrangers, le roi fait venir Timothée, Athénien, de la famille des Eumolpides, qu’il avait appelé d’Éleusis pour présider aux cérémonies sacrées, et lui demande quel est ce culte, quel peut être ce dieu. Timothée chercha des voyageurs qui eussent visité le Pont, et apprit d’eux qu’il y avait en ce royaume une ville nommée Sinope, et non loin de cette ville un temple dés longtemps célèbre dans le pays, et consacré à Jupiter Pluton ; car à côté de l’image du dieu était aussi une figure de femme, que la plupart appelaient Proserpine. Ptolémée était, comme tous les rois, prompt à s’alarmer, et, une fois la sécurité revenue, plus ardent au plaisir que zélé pour la religion. Il oublia peu à peu l’oracle et tourna son esprit vers d’autres soins, jusqu’à ce que cette même apparition, plus terrible cette fois et plus pressante, vînt lui dénoncer sa perte et celle de son royaume, si les ordres donnés n’étaient accomplis. Alors il envoya au roi Scydrothémis, qui régnait dans ce temps à Sinope, des ambassadeurs avec des présents, et leur prescrivit, avant qu’ils s’embarquassent, de consulter Apollon Pythien. Ils eurent une mer favorable, et la réponse du dieu ne fut pas équivoque : il leur dit "d’aller, de rapporter la statue de son père, et de laisser celle de sa sœur."

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Arrivés à Sinope, ils portent devant le roi Scydroshémis les présents, les prières et les instructions de leur maître. Le roi, combattu tantôt par la crainte du dieu, tantôt