Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/639

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rites : Bacchus institua des fêtes riantes et joyeuses ; le culte des Juifs est bizarre et lugubre.

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Le pays qu’ils habitent finit, vers l’orient, où l’Arabie commence ; l’Égypte le borne au midi, la Phénicie et la mer au couchant ; le septentrion apparaît dans le lointain du côté de la Syrie. Les hommes y sont sains et robustes, les pluies rares, le sol fertile. Les productions de nos climats y abondent, et avec elles l’arbre à baume et le palmier. Le palmier est grand et majestueux ; le baumier est un arbre médiocre. Quand la sève en a gonflé les rameaux, si on y applique le tranchant du fer, elle en a peur et se retire ; les veines qui l’enferment s’ouvrent avec un éclat de pierre ou un fragment de vase ; le suc de cet arbuste est d’usage en médecine. Les plus hautes cimes qu’élève ce pays sont celles du Liban, montagne qui, par un étonnant contraste, est toujours fraîche sous un ciel brûlant, et garde la neige sous les feux du soleil. C’est le Liban qui verse et alimente les eaux du Jourdain. Ce fleuve ne se rend point à la mer ; il traverse, sans rien perdre, un lac, puis un autre ; reçu dans un troisième, il n’en sort plus. Ce dernier lac3, d’un circuit immense, pareil à une mer, avec une saveur plus insupportable, exhale une odeur fétide et pestilentielle. Les vents n’y soulèvent point de vagues ; il ne souffre ni poissons ni oiseaux aquatiques. Ses eaux, élément indécis, portent, comme une surface solide, les objets qu’on y jette. Le plus ignorant comme le plus habile dans l’art de nager en sont également soutenus. A une certaine époque de l’année il rejette du bitume. L’expérience, mère de toute industrie, a enseigné la manière de le recueillir. C’est une liqueur noire qui surnage, et qu’on épaissit en y versant du vinaigre. On la prend alors avec la main et on la tire sur le bord du bateau. Aussitôt, sans l’aide de personne, elle coule dedans et l’emplit, jusqu’à ce qu’on en coupe le fil. Et ce n’est ni l’airain ni le fer qui peuvent le couper ; elle fuit à l’approche du sang et devant les étoffes imprégnées de celui dont les femmes se délivrent chaque mois. Voilà ce que disent les anciens auteurs. Mais ceux qui connaissent le pays assurent que l’eau pousse en avant des masses flottantes de bitume, et qu’on les tire avec la main sur le rivage. Ensuite, quand la chaleur. de la terre et l’ardeur du soleil les ont séchées, on les fend avec la hache et le coin, comme du bois ou des pierres.

3. C’est le lac Asphaltite (que quelques-uns écrivent Asphaltique) ou mer Morte. Les deux autres lacs que traverse le Jourdain sont le lac Samachonite et celui de Génésareth, ou mer de Tibériade.

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