Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/650

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

nés par adresse. Au moins il s’en donna le mérite ; et le fait n’est pas dénué de vraisemblance, puisque sa soumission suivit peu de jours après. Cérialis offrait, par de secrets émissaires, la paix aux Bataves, le pardon à Civilis ; et en même temps il exhortait Véléda et ses proches « à se délivrer d’une guerre si féconde en revers, en méritant par un service rendu à propos la reconnaissance du peuple romain. » Il leur montrait « les Trévires taillés en pièces, les Ubiens reconquis, les Bataves chassés de leurs foyers. Eh ! que leur avait produit l’amitié de Civilis, que blessures, déroutes, funérailles ! Lui-même, fugitif et banni, était un fardeau pour qui le recevait. Ils étaient assez coupables d’avoir tant de fois passé le Rhin ; s’ils remuaient encore, l’injure et les torts seraient d’un côté, de l’autre la vengeance et les dieux. »

XXV. Aux menaces on joignait les promesses. Quand la foi des Germains fut ébranlée, des rumeurs s’élevèrent jusque parmi les Bataves. « Pourquoi s’opiniâtrer si longtemps à sa ruine ? Une seule nation ne peut affranchir l’univers. Qu’a-t-on gagné à détruire des légions par le fer et le feu, sinon d’en faire accourir en plus grand nombre et de plus fortes ? Si c’est pour Vespasien qu’ils ont fait la guerre, Vespasien est empereur ; si c’est le peuple romain que provoquent leurs armes, que sont les Bataves dans l’immensité du genre humain ? Qu’ils regardent les Rhètes et les Noriques ; qu’ils pèsent les charges des autres alliés. Eux du moins, ce ne sont pas des tributs, mais du courage et des hommes qu’on leur demande. C’est presque être libres ; et, s’il faut choisir des maîtres, il est plus honorable d’obéir aux princes des Romains qu’aux femmes de Germanie. » Ainsi parlait le vulgaire ; les grands s’exprimaient avec plus de violence : « C’était, disaient-ils, la rage de Civilis qui les avait précipités dans la guerre. Cet homme, pour venger ses maux domestiques, avait sacrifié sa patrie. Oui, la colère des dieux s’est déclarée sur les Bataves, mais c’est lorsqu’ils ont assiégé les légions, massacré les généraux, entrepris une guerre nécessaire à un seul, funeste à tous les autres. Plus de ressource, s’ils n’ouvrent les yeux et ne font, par la punition d’une tête coupable, l’aveu public de leur repentir. »

XXVI. Cette disposition des esprits ne put échapper à Civilis, et il résolut d’en prévenir les suites. A l’ennui de ses maux se joignait l’espérance de la vie, qui brise quelquefois les plus fermes courages : il demanda une entrevue. Le pont du