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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/674

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MŒURS DES GERMAINS.

et les voiles qui le couvrent, et, si on les en croit, la divinité elle même, sont baignés dans un lac solitaire. Des esclaves s’acquittent de cet office, et aussitôt après le lac les engloutit. De là une religieuse terreur et une sainte ignorance sur cet objet mystérieux qu’on ne peut voir sans périr.

XLI. Cette partie des Suèves s’étend vers le fond de la Germanie. Plus près (afin de suivre le Danube comme nous avons suivi le Rhin) se trouve la cité des Hermondures[1], fidèle à notre empire, et, à ce titre, admise à trafiquer, non sur la rive seule, comme les autres Germains, mais à l’intérieur, et jusque dans la colonie la plus florissante de la Rhétie[2]. Ils passent librement et sans gardes partout où ils veulent ; et, tandis que nous ne montrons aux autres peuples que nos armes et nos camps, nous ouvrons à celui-ci nos maisons de ville et de campagne, qui n’excitent pas ses désirs. Chez les Hermondures est la source de l’Elbe, fleuve célèbre et jadis connu de nos légions ; on ne fait maintenant qu’en entendre parler.

XLII. Près des Hermondures habitent les Narisques, ensuite les Marcomans et les Quades[3]. Les Marcomans sont les premiers par la gloire et les forces ; le pays même qu’ils occupent, enlevé jadis aux Boïens, est une conquête de leur valeur. Les Quades et les Narisques ne sont pas indignes d’eux. C’est là comme le front de la Germaine en descendant le Danube. Les Marcomans et les Quades ont eu jusqu’à nos jours des rois de leur nation, issus des nobles familles de Maroboduus et de Tuder : ils commencent à en souffrir d’étrangers. Du reste, ces rois doivent à la protection de Rome leur force et leur grandeur : nous les aidons rarement de nos armes, plus souvent de notre or, et ils n’en sont pas moins puissants.

XLIII. Plus loin les Marsignes, les Gothins, les Oses, les Buriens[4], forment par derrière la limite des Marcomans et

  1. Elle touchait au Danube, ayant au sud-ouest et à l’ouest les terres Décumates et les Cattes, dont elle était séparée par la Saale de Franconie ; à l’est les montagnes de la Bohême ; au nord les tribus suèves déjà nommées, entre autres les Semnones.
  2. Augusta Vindelicorum, maintenant Augsbourg.
  3. Les Narisques occupaient la partie de la Bavière qui est entre la Bohême et le Danube ; les Marcomans, la Bohême, d’où ils avaient chassé les Boïens ; les Quades, la Moravie et une portion de l’Autriche entre le Danube et la Moravie.
  4. D’après l’ordre dans lequel Tacite nomme ces peuples, comparé à la position des Marcomans et des Quades, il faut les ranger du nord-ouest au sud-est, au-dessus de la Bohême et de la Moravie.