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vie de cn. julius agricola.

province. Il n’employait aux fonctions publiques ni ses esclaves ni ses affranchis, et ce n’était point d’après ses affections particulières, ni sur la recommandation et les prières des centurions, qu’il appelait les soldats ; mais il prenait le mérite de chacun pour mesure de sa confiance ; sachant tout, sans donner suite à tout, proportionnant à la gravité des fautes l’indulgence ou la sévérité, et, au lieu de punir toujours, se contentant souvent du repentir ; enfin choisissant pour les emplois et les charges des hommes incapables de mal faire, afin de n’avoir pas à condamner quand le mal serait fait. Il adoucit, par une répartition plus équitable, l’augmentation des tributs et des fournitures de blé, et il supprima ces inventions de l’avarice qui révoltaient plus que l’impôt même : car, avant lui, on se faisait un jeu de voir le laboureur attendre à la porte de son grenier qu’il lui fût permis d’acheter son propre blé pour le revendre ensuite à un prix qu’on fixait ; et, au lieu de faire approvisionner par chacune des cités les postes les plus voisins, on leur assignait des cantonnements lointains, sur des routes détournées ou impraticables, jusqu’à ce qu’en sacrifiant la convenance de tous on eût satisfait l’avidité d’un petit nombre.

XX. En réformant, dès la première année, de tels abus, Agricola rétablit l’honneur de la paix, que l’insouciance ou la connivence de ses prédécesseurs ne faisait pas moins redouter que la guerre. Au retour de l’été, il rassembla son armée. Dans les marches, il louait les soldats qui observaient l’ordre, contenait ceux qui s’écartaient du drapeau, choisissait lui-même l’emplacement des camps, lui-même reconnaissait les marais et les bois : et, pendant ce temps, il ne laissait point de repos aux ennemis, les désolant par de subites incursions, et, quand il les avait assez effrayés, les traitant avec douceur pour éveiller en eux le désir de la paix. De tels moyens désarmèrent beaucoup de cités jusqu’alors indépendantes : elles donnèrent des otages et furent investies de forts et de garnisons disposés avec tant d’art et d’intelligence, que jamais les nouvelles conquêtes en Bretagne ne furent si peu inquiétées.

XXI. L’hiver suivant fut consacré aux soins les plus salutaires. Afin que ces hommes dispersés, sauvages, et par là même toujours prêts à la guerre, s’accoutumassent, par les plaisirs, au repos et à la tranquillité, Agricola les exhorte en son nom particulier, les aide des deniers publics à construire des temples, des forums, des maisons ; il loue l’activité, ai-