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DIALOGUE

SUR LES ORATEURS.


Époque supposée de ce dialogue
An de Rome 831, de J.C. 78.
Consuls, Flavius Vespasianus Augustus, VI. Titus Vespasianus César, IV.

I. Vous me demandez souvent, mon cher Fabius[1], pourquoi, tant d’orateurs du premier ordre, ayant illustré de leur génie et de leur gloire les siècles précédents, notre âge, stérile et déshérité de cette brillante éloquence, a presque oublié jusqu’au nom d’orateur. Car nous ne donnons ce titre qu’aux anciens ; et nous appelons défenseurs, avocats, patrons, tout plutôt qu’orateurs, ceux qui de nos jours savent manier la parole. Répondre à votre demande, et prendre sur moi le fardeau d’une question qui met en péril la réputation de nos esprits, si notre infériorité vient d’impuissance, de nos jugements, si elle est volontaire, c’est assurément ce que j’oserais à peine, si je n’avais à exposer que mes propres idées. Mais je puis recourir à un entretien dans lequel j’ai entendu, fort jeune encore, les hommes les plus éloquents de notre siècle traiter à fond cet important sujet. Ce n’est donc pas de talent, mais de mémoire que j’aurai besoin pour retrouver les pensées ingénieuses et les expressions fortes dont ils appuyaient des explications ou diverses ou les mêmes, mais toujours plausibles, en peignant chacun dans son langage, son âme et son caractère, et pour les reproduire aujourd’hui avec leurs proportions

  1. Fabius Justus était ami de Pline le Jeune, qui lui adresse deux de ses Lettres, et le nomme dans une troisième.