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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/724

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et une exception, ces immenses volumes que nous lisons sous le titre de plaidoyers pour Tullius ou pour Cécina ? Le juge devance maintenant l’orateur ; et, si la marche rapide des arguments, l’élégance et la richesse des descriptions, ne l’attachent et ne le séduisent, son esprit se rebute aussitôt. La foule même des curieux, et tout ce fortuit et mobile auditoire, a pris l’habitude d’exiger les fleurs et la beauté du langage, et tolère aussi peu les formes tristes et agrestes d’une éloquence surannée ; que le jeu d’un acteur qui sur la scène irait copier Roscius ou turpion ? Il y a plus : les jeunes gens dont le talent novice est encore pour ainsi dire sur l’enclume, et qui suivent les orateurs pour se former à leur école, sont jaloux d’entendre et d’emporter chez eux quelques traits saillants et dignes de mémoire. Ils se redisent l’un à l’autre, et souvent ils écrivent dans leurs villes et leurs provinces, ce qui les a frappés, soit qu’une pensée courte et ingénieuse ait brillé comme un éclair, soit que la poésie ait embelli quelque morceau de ses riches couleurs. Car on veut de la poésie même dans un discours, non de celle que ternit la rouille d’Accius ou de Pacuvius, mais une poésie qui sorte brillante et fraîche du sanctuaire d’Horace, de Virgile ou de Lucain. C’est donc pour complaire au goût de ses auditeurs que l’éloquence de notre âge se montre plus belle et plus ornée. Et nos paroles n’en sont pas moins puissantes, parce qu’elles arrivent à l’oreille des juges accompagnées de plaisir : dira-t-on que les temples de nos jours soient moins solidement construits, parce que, au lieu de pierres brutes et de tuiles informes, on y voit resplendir le marbre et rayonner l’or ?

XXI. « Je le confesserai naïvement : il est des anciens que je ne lis pas sans être tenté de rire ; il en est d’autres dont la lecture m’endort. Et je ne parle pas ici du peuple des orateurs, d’un Canutius, d’un Arrius, d’un Furnius, et de tous ceux qui étalent, comme autant de malades dans la même infirmerie, leurs os et leur maigreur. Calvus lui-même, qui a laissé, je crois, vingt et un ouvrages, me satisfait à peine dans un ou deux petits discours. Et je vois que je ne suis pas seul de cette opinion : combien y en a-t-il qui lisent son plaidoyer contre Asitius ou contre Drusus ? Mais ce que les hommes studieux